Bengt Jangfeldt

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> LA VIE DE MAÏAKOVSKI. — Faire le récit de la vie et l’œuvre d’une figure aussi mythique que celle de rel="nofollow" target="_top">Maïakovski, transformé en statue par un demi-siècle de propagande soviétique, et en épouvantail par ses détracteurs, n'était pas une mince affaire. Cette biographie passionnante du grand slavisant suédois Bengt Jangfeldt est l’aboutissement d'années de recherches et deviendra sans nul doute un ouvrage de référence. Car c’est non seulement la première biographie non soviétique de Maïakovski, mais aussi un livre fondé sur des sources exclusives : depuis plus de trois décennies, Bengt Jangfeldt a en effet entretenu des liens intimes avec les membres du cercle du poète.
Il raconte ainsi la vie extraordinaire de Vladimir Maïakovski avec empathie et sagacité. Le lecteur est pris dans le tourbillon, surpris et heureux de découvrir l’homme et l’époque qui a vu naître son talent. Ce récit excellemment construit, alerte, bourré d’anecdotes et de détails savoureux parvient à restituer la vérité de ce grand poète, grand provocateur et écorché vif, qui mettra fin à ses jours en 1930.
La vie de Maïakovski, ce sont d’une part ses poèmes et d’autre part ses histoires avec les femmes, à commencer par le surprenant ménage à trois avec Lili Brik (la sœur d’Eisa) et son mari Ossip Brik, théoricien de l’avant-garde futuriste et agent des services secrets soviétiques. Les aventures sentimentales passionnées du poète sont les jalons de la narration, comme elles marquèrent les différentes étapes de sa vie. Autour, il y a tout ce que la Russie de cette époque compte d'important en matière littéraire et artistique : Pasternak, Esenin, Gorki, Eisenstein, Meyerhold, mais aussi Roman Jacobson, Altman, Babel, Marinetti, Fernand Léger, Picasso… La famille Brik-Mâiakovski était une véritable clé de voûte de la culture soviétique des années 1920 : point d'attraction naturel pour les artistes, mais aussi point de jonction avec les services secrets, point de non-retour pour ceux qui s'alliaient avec le régime, lieu de perdition spirituel et repaire de jeux (on y jouait aux cartes toutes les nuits, Maïakovski le premier) et Jangfeldt nous invite à leur table. Mais grâce à lui, nous pénétrons aussi avec bonheur dans le Montparnasse de ces années, celui de la colonie russe, infiltrée jusqu'à la moelle par les espions soviétiques.
Gageons que grâce à cette biographie vivante et extrêmement documentée, le Poste ne soit plus seulement considéré comme le parangon de l’art socialiste, « le meilleur poète de notre époque soviétique » pour citer Staline, ni comme l’incarnation de la trahison de l'art au service du pouvoir, mais comme un homme complexe, auteur d’une œuvre foisonnante restée en partie inédite et qui mérite d’être lue. —Anne MICHEL
*La Vie en jeu : Une biographie de Vladimir Maïakovski, Bengt Jangfeldt, Ed. Albin Michel, 592 pages, 25 €.
—L’Homme en Question, (28), Hiver 2009, (p. 4)… (plus d'informations)