Eric Bénier-Bürckel

Avant même de commencer je regrette douloureusement d'avoir égaré mes notes de lecture. Non pas que je pense que cette critique soit jamais utile aux 12 personnes qui ont acheté ce livre, mais parce que l'obligation qui m'était faite de le finir a été ressentie comme une injure personnelle, et il convient pour mon apaisement de m'en venger avec rigueur.

J'improviserai, donc.

Pour situer le "pitch" (sur lequel il ne conviendrait pas de trop s'attarder), je me contenterai de citer une partie du résumé de Livre Hebdo : "[...] ce récit met en scène un être qui ressemble à un homme, porte des livres au contenu étrange, et erre, tel un aventurier, dans des lieux sauvages. Il marche ou rampe comme un serpent et peut rester très longtemps immobile."
Sachons simplement que le livre constitue essentiellement une variation sur ce thème de base. L'être qui ressemble à un homme chemine, rencontre d'autres créatures et interagit avec son environnement dans une narration fondamentalement anecdotique, si ce n'est pour son traitement.

Si au premier abord le style alangui et vaguement surréaliste de l'auteur peut séduire, son excès de lyrisme est très vite ressenti comme une logorrhée pénible. En effet, les phrases s'étendant sur plusieurs pages sans interruption ne sont pas rares, et la progression de l'intrigue étant à l'image de son élocution, le rythme de lecture s'installe rapidement dans un pataugement laborieux au milieu d'une bouillie prétentieuse d'où il est impossible de tirer un quelconque sens, motif ou but. Tout ici paraît arbitraire : du symbolisme volontairement opaque aux tentatives de subversion très convenues à coup de gore, viol ou couilles, faisant l'effet d'un exercice scolaire sur le champ lexical de la putréfaction, du dégoût et de toutes ces choses dont il est de bon ton de s'offusquer dans les clubs de lecture bobo.

L'auteur avoue dans une interview avoir voulu faire un livre sur le silence. Dans le contexte d'une prose autiste qui use de tous les artifices de l'écriture pour finalement se perdre dans un balbutiement fébrile, c'est une réussite. Mais quand bien même l'intention serait louable, introduire en force un concept abstrait dans une forme romanesque ne fait justice ni à l'un ni à l'autre.

La demi-étoile est dédiée à la mémoire des arbres ayant tragiquement collaboré à la publication de ce livre.… (plus d'informations)