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A propos de l'auteur

Crédit image: Taina Tervonen

Œuvres de Taina Tervonen

Hukkuneet (2019) 3 exemplaires
Les Fossoyeuses (2021) 2 exemplaires
Las sepultureras (2023) 2 exemplaires

Étiqueté

Partage des connaissances

Date de naissance
1973
Sexe
female
Lieu de naissance
Finland
Lieux de résidence
Senegal
Paris, France
Professions
journalist
writer
documentary filmmaker

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Critiques

La restitution d’objets pris de force au cours de la colonisation ou des guerres est un sujet à la mode depuis quelques années. Il va bien avec le renouvellement du discours sur la colonisation, qui parfois cherche à rendre le discours plus nuancé et complexe et parfois le simplifie au point de le rendre pire que caricatural. Alors quand j’ai découvert ce livre, qui prend le temps sur ce sujet qui m’intéresse mais pour lequel je n’ai aucune formation, et qu’en plus j’ai vu qu’il est édité par Marchialy, une maison d’édition spécialisée dans les livres de reportage au long cours que j’ai découvert plus tôt cette année (même si la maison a été fondée en 2016, je ne suis pas toujours en pointe de l’actualité) avec le très intéressant [The Good Girls : un meurtre ordinaire], je n’ai pas été longue à le solliciter sur netgalley et à me plonger dans sa lecture.
Taina Tervonen, une journaliste finlandaise qui a passé une grande partie de son enfance au Sénégal (et qui n’en est pas à son premier reportage au long cours), décide, à la suite de la restitution du sabre d’El Hadj Oumar Tall au Sénégal par la France, de mieux comprendre le cheminement de cet objet et de ceux qui l’accompagnaient et d’éclairer cette décision de restitution et le sens d’une telle décision.

Le livre commence lentement, un peu trop à mon goût, mais passé les vingt ou trente premières pages, on rentre vraiment dans le vif du sujet et cela devient vite passionnant. Parce que ce sabre et les objets qui l’accompagnent, le trésor de Ségou, ont une histoire bien emberlificotée. On découvre des personnages historiques qui sont semble-t-il connus de tous les petits élèves sénégalais mais dont, pour ma part, je n’avais jamais entendu le nom. Archinard, d’abord, ce grand pacificateur de l’Afrique de l’Ouest (et l’on sait ce que recouvre le mot pacificateur dans ce contexte…), El Hadj Oumar Tall aussi bien sûr, fondateur d’une congrégation soufie. Ces deux-là sont reliés par une confrontation qui culmine (pour l’histoire qui nous intéresse, pas du point de vue de l’histoire ou de la stratégie militaire) dans la « bataille » de Ségou (les guillemets sont de mon fait, parce qu’en matière de bataille, la ville a été évacuée et il n’y a pas eu d’affrontements…). Mais on se rend très vite compte que les dates ne vont pas : El Hadj Oumar Tall est mort en 1864 alors qu’Archinard arrive au Soudan français en 1880. Et puis les lieux non plus : on parle du trésor de Ségou, qui est aujourd’hui une ville du Mali, alors que le sabre a été restitué au Sénégal…
Au fur et à mesure de ses enquêtes, Taina Tervonen démêle ces apparentes contradictions. En particulier elle s’interroge sur la portée historique et symbolique de ce sabre, montrant comment les musées et les objets participent de l’historiographie, montrant aussi comment les discours et les émotions suscités par un objet historique diffèrent selon le côté de l’histoire où l’on se trouve. Au fil des quelques 300 pages de cet ouvrage (et ces 300 pages passent étonnamment vite tant la plume de Taina Tervonen est facile à lire et le propos intéressant), on suit la journaliste dans son enquête pour essayer de démêler cet écheveau. On se promène entre Dakar, Le Havre, Paris, Halwar, Aix-en-Provence… On écoute des héritiers des témoins de cette époque, on compulse des lettres dans les archives…
Et, contrairement à ce que l’on pourrait croire, j’ai eu la sensation que l’histoire devenait de plus en plus complexe au fur et à mesure de ma lecture et de l’enquête de Taina Tervonen. Car il ne faut pas compter sur elle pour livrer à la fin la vérité vraie sur cette histoire, la version définitive. Non, elle livre les faits, les éclaire par des évocations du contexte, les met en perspective, mais elle garde toute la complexité de cette histoire. A la fin, même Archinard devient une figure plus nuancée que ce que l’on aurait pu penser au début.
C’est donc un livre qui oblige le lecteur à réfléchir, à se forger, petit à petit, sa propre opinion des faits, en demeurant autant que possible fidèle aux faits, à leur complexité et parfois même leurs apparentes contradictions.
Les Otages, un titre qui fait référence aux héritiers des chefs de guerre envoyés en France pour les couper de leurs racines et pour éviter qu’ils ne reprennent le flambeau de leurs pères, mais qui peut englober les objets culturels, leurs trajets complexes, leur histoire, ce qu’ils disent et ce qu’on leur fait dire. Un livre qui fait réfléchir aussi, qui permet de creuser une question importante, plus pour certains que pour d’autres semble-t-il, et qui prend des significations différentes selon l’angle où l’on se place pour l’aborder. Encore une fois, j’ai beaucoup aimé ce livre, qui se lit étonnamment facilement. Je n’ai pas fait le tour de la question, mais j’ai beaucoup appris, et, si j’ai pu répondre à quelques questions, je crois que j’ai plus de questions en fermant ce livre qu’en l’ouvrant, et c’est une bonne chose que d’éveiller l’intérêt, la curiosité et d’affûter les esprits, sur ce sujet comme sur d’autres !

Merci aux éditions Marchialy de m’avoir permis de lire ce livre, via netgalley. Deuxième livre venu de cette maison d’édition et deuxième belle découverte.
… (plus d'informations)
 
Signalé
raton-liseur | Sep 2, 2022 |

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