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Œuvres de Sami Tchak

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La colonisation, cette domination, cet abaissement, par lesquels nous avons inoculé aux Africains l’idée que nous sommes leur meilleur avenir, est une forme de malédiction d’autant plus terrible qu’eux et nous sommes devenus des frères. Par nos langues que leurs élites utilisent, par nos valeurs qu’ils ont adoptées et à partir desquelles ils établissent leurs nouvelles hiérarchisations, par la proximité intellectuelle entre eux et nous, ils sont nous chez eux. Mon cher Maurice, comment pourraient-ils, dans ce cas, s’affranchir de nous ?
(p. 87, Chapitre 15, “« Que leur manque-t-il ? »”, Partie 2, “Au cœur de ce village”).


Difficile d’écrire une note de lecture sur tout et presque rien. Car le livre est un peu comme son titre, il parle de beaucoup de choses et n’a pas vraiment choisi un thème. Il est question d’Afrique, bien sûr, dans son unité et sa diversité, il est question de son histoire récente, la colonisation, puis la décolonisation, le développement, l’émancipation, l’émigration, la fierté de ses origines, le rejet, l’assimilation… Avec ces mémoires informelles d’un chercheur en ethnologie qui a traversé toute la deuxième moitié du XXème siècle et le début du XXIème, ce sont toutes ces questions que l’on peut aborder, et tous les regards qui ont été portés sur le continent africain pendant cette période.
Le choix de la forme romanesque est étrange car le livre est presque écrit comme une communication pour un colloque. Très écrit, bourré de références, même dans les dialogues ou les SMS (la femme qui écrit à son mari ce qu’elle lit, en citant le titre, le nom de l’auteur et les circonstances dans lesquels il lui a été offert… Elle n’est pas prête à écrire des messages de 140 caractères !), ce qui donne un caractère un peu artificiel au livre, un peu universitaire. Ce n’est pas inintéressant d’ailleurs, car cette narration colle finalement bien avec le personnage et permet donc des énumérations de spécialistes ou d’écrivains, ou bien des digressions dans des digressions, qui s’insèrent bien dans la trame de ces mémoires.
Avec ce livre, on balaie donc toutes les grandes théories et tous les discours sur l’Afrique et les Africains, ce qui est très intéressant. J’ai cependant été déroutée par l’absence d’articulation de ces discours, qui semblent un peu tous mis sur le même plan. Et en définitive, en refermant ce livre, j’ai du mal à me faire une opinion sur ces différents discours et à voir ceux qui sont les plus féconds. Le choix de la forme romanesque aurait pourtant permis cela. C’est probablement une volonté de l’écrivain de ne pas réaliser cette articulation des discours, montrant peut-être aussi ainsi qu’il n’y a pas forcément de vérité sur l’Afrique et que l’opinion que l’on peut s’en faire est probablement principalement liée au point de vue dont on l’observe. C’est cependant pour cela que c’est un livre déroutant.

Mais je vois que je ne parle pas de l’histoire… Une histoire en trois parties : d’abord la naissance de la vocation de Maurice Boyer, disciple de Balandier, puis une longue partie sur les deux années de terrain pour récolter les informations qui feront le substrat de sa thèse, et enfin une dernière partie, aussi longue que la précédente, balayant tout le reste de sa carrière universitaire sans relief et sa retraite. Encore une fois, c’est très dense. Il y a tout de la vie d’un homme, et presque rien sur lequel on s’appesantit. Et c’est dommage parce que le sujet initial, le regard que l’on porte sur l’Afrique et que l’Afrique porte sur elle-même, est dilué dans d’autres considérations sur la famille et le couple, sur la vieillesse et la mort…
C’est donc un livre qui, à mon avis, a quelques faiblesses : pas de direction claire, trop de sujets traités en même temps, un manque d’unité entre les différentes parties… Pourtant, c’est une lecture que je suis contente d’avoir faite. J’ai beaucoup appris, j’ai beaucoup réfléchi à la construction de l’identité et du discours sur l’Afrique, sur la façon dont la production du savoir s’est faite (par qui, dans quelles conditions, pour qui…) et les conséquences de cela. Le livre est très riche et mériterait, pour les passages les plus complexes une seconde lecture, plus approfondie, et probablement quelques recherches pour aller plus loin. La vision de l’ethnologie proposée par l’auteur, Sami Tchak, Africain (du Togo) et noir, à travers son personnage, Maurice Boyer, Européen (Français) et blanc, est vraiment très intéressante et remet en cause une certaine vision romantique de l’ethnologie (que j’ai moi-même eue adolescente et encore plus tard). Il ne propose pas véritablement d’alternative mais s’interroge sur la nécessité et la façon de déconstruire un formatage intellectuel qui pèse tant sur ceux qui ont produit ce discours que sur ceux qui en sont l’objet. Pour qui s’intéresse à ces sujets sans les avoir vraiment creusés, le livre de Sami Tchak sera une très bonne introduction et une bonne façon de mettre des mots sur de nombreuses questions en suspens. Il faudra certes tenter de passer outre quelques imperfections de ce livre, mais le jeu en vaut vraiment la chandelle. Un livre discret de cet automne littéraire, qui mérite d’être découvert par ceux déjà intéressés par le sujet.

Merci aux éditions Jean-Claude Lattès de m’avoir permis de lire ce livre, via netgalley.
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Signalé
raton-liseur | Dec 3, 2021 |
Avis très personnel : rarement lu un livre ausi dénué d'intérêt. Je me demande toujours quel en est l'objet...
½
 
Signalé
sinaloa237 | Mar 30, 2008 |

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