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Critiques

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Le cœur me fend,
Mon trésor,
A la seule pensée
Que j’ai -
Peut-être -
Trouvé des mots
Pour le dire.

(explicit).

J’ai écouté ce texte sans rien en savoir au préalable sinon que j’avais aimé David Grossman dans [Une Femme fuyant l’annonce] et que j’étais restée hermétique à [Un cheval entre dans un bar]. Et ce texte m’a soufflée. L’écouter plutôt que le lire, pour cet auteur qui vient du milieu du théâtre, a été une bonne idée car cette écoute m’a permis de m’immerger dans le texte, de l’écouter d’une traite, en apnée, sans reprendre mon souffle, d’en sentir toute la poésie douloureuse parce que lue et incarnée par des voix.
Bien sûr, quand on connaît cet auteur, il est difficile d’ignorer son combat en faveur de la paix entre Israël et la Palestine et le fait qu’il ait perdu un de ses fils dans le conflit qui oppose ces deux forces. Ce texte qui met en scène et donne la parole à des parents qui ont perdu leur enfant, et ce quelle qu’en soit la raison, maladie, accident, guerre, est donc une œuvre qui se nourrit de la propre douleur de l’écrivain, même si c’est un texte hautement allégorique, une véritable œuvre littéraire et poétique, qui tente de dire le deuil contre nature, l’absence intolérable. Le cordonnier, la sage-femme, la ramendeuse de filets ou le centaure-écrivain réagissent tous à leur manière, faisant un kaléidoscope des possibles, dans un texte polyphonique qui ressemble à une fugue, autant au sens de l’œuvre musicale que de la fuite.
C’est un texte poignant sur le deuil d’un enfant. Je l’ai lu peu de temps après un décès dans ma famille (douloureux, mais beaucoup plus « dans l’ordre des choses » si je peux dire) et il a peut-être raisonné plus fort en moi à cause de cela, mais c’est un texte absolument merveilleux, d’une douleur acceptée, intrinsèque, impossible à effacer. Un livre qui ne choisit pas entre acceptation et révolte, qui mêle tous les moments du deuil pour en faire un texte difficile à lire du fait de l’immense tristesse qui en sourd, mais aussi, étrangement, un texte lumineux, d’une lumière noire et discrète, mais un texte que je crois pouvoir tout de même qualifier de lumineux.
 
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raton-liseur | 9 autres critiques | Jun 22, 2023 |
David Grossman, c’est un auteur sérieux normalement : [Une femme fuyant l’annonce], [Un cheval entre dans un bar]… Alors quand j’ai vu ce livre sur les étagères jeunesse de la bibliothèque du village, c’est peu dire que ma curiosité a été piquée, alors aussitôt emprunté aussitôt lu…
Ces six histoires sont probablement des histoires que David Grossman a inventé pour ses enfants lorsqu’ils étaient jeunes. Elles reprennent les classiques des albums jeunesse : peur des monstres ou du noir, désir de grandir ou de faire comme les parents, crédulité et magie, petit frère… Et à chaque fois, ces sujets sont traités avec une infinie tendresse, une place faite à l’enfant et à ses émotions comme on rêverait de pouvoir le faire chaque jour pour tous nos enfants. Et puis ici, c’est la relation entre le père et son fils qui est mise en avant, David Grossman a clairement décidé de se faire plaisir dans ces histoires, et c’est agréable parce que cela change et rééquilibre les rôles parentaux dépeints dans les livres jeunesse.
Si mon histoire préférée est probablement la première, Itamar rencontre un lapin, j’ai aussi beaucoup aimé Itamar, chasseur de rêves, tous les deux sur des thèmes classiques. Itamar se promène sur les murs est plus un moment de poésie et de rêverie qui permet de raconter des histoires un peu différentes, qui laissent place à plus de créativité.
Un très joli livre donc, que je ne connaissais pas bien qu’il ait été publié en France il y a 10 ans déjà, mais un beau cadeau que les papas pourraient s’offrir pour partager de jolis moments avec leurs jeunes enfants.
 
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raton-liseur | Jun 3, 2023 |
Une difficulté, parfois, de construction nuisent au récit. Il en reste un livre particulièrement profond et touchant. L'histoire conserve son mystère malgré les éclaircissements. Une réussite un peu ardue.
 
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Nikoz | 8 autres critiques | Nov 27, 2022 |
La peur quasi panique d'une perte abouti à une retrouvaille quasi paisible.
 
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Nikoz | 62 autres critiques | Mar 6, 2020 |
J’aurai essayé, vraiment. Seulement quelques semaines après avoir lu ce livre, je m’essaie à l’adaptation qui en a été faite pour la scène, avec un enregistrement réalisé par France Culture au festival d’Avignon en 2017. J’espérais que le passage par le théâtre me permettrait de, cette fois, être touchée par le personnage de Dovalé. J’avais bien perçu toute la dimension tragique que pouvait porter ce personnage, mais la lecture m’a laissée insensible à ses failles et ses blessures.
Encore une fois, c’est raté. Comme quoi ce n’est pas le médium qui est en cause. Lecture solitaire ou mise en scène théâtrale, je suis toujours gênée par les mêmes aspects. La gouaille de l’acteur qui incarne Dovalé, le recours à l’humour lourd et un peu salace, non, je n’arrive pas à passer au-dessus pour m’intéresser au personnage dans son humanité et sa complexité. Je n’arrive pas à me laisser entraîner dans le mouvement des spectateurs au rire facile et contagieux.
Rien à y faire, je reste en dehors du spectacle, je reste en dehors du drame qui se joue devant les yeux du spectateur et, par ricochet, du lecteur. Ce livre est plein d’un tragique que j’aperçois mais qui s’éloigne au fur et à mesure que je m’approche ; il est plein d’une incommensurable tristesse que j’effleure mais qui se dérobe quand je tends la main.
Je conclurai de la même façon que pour ma note de lecture sur le livre papier. Je suis passée à côté de ce livre, je sui restée à l’extérieur d’une histoire par laquelle j’aurais aimé être touchée. Mais je suis contente que ce livre ait eu un tel succès, qu’il ait rencontré son public. Je suis seulement déçue de ne pas faire partie de ce public.
 
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raton-liseur | 48 autres critiques | Nov 11, 2018 |
Perplexe. C’est bien le maître mot de cette note de lecture. Je suis perplexe… Ayant lu avec avidité Une femme fuyant l’annonce, m’étant perdue avec Ora sur les chemins du déni, ayant eu le cœur lourd avec elle, ayant senti le poids de son passé sur mes épaules, je me suis accrochée dans cette nouvelle lecture de David Grossman, j’ai accepté l’étrange pacte qu’il propose à son lecteur en le faisant assister, par mots interposés à un one-man show de seconde zone dans la ville elle aussi très secondaire de Netanya.
Et quelques deux-cents pages plus loin, je ressors de ma lecture on ne peut plus perplexe. Qu’est-ce que l’auteur a voulu me dire, me faire ressentir, pourquoi tout simplement a-t-il écrit ce livre ? Certes, le personnage se complexifie au fil des pages, il en deviendrait presque attachant. On comprend que son métier de comique qui se prend comme propre matériau de ses blagues parfois trop éculées et de ses mises en scène douteuse, que ce métier cache de profondes meurtrissures. Le spectateur qui est aussi narrateur a lui aussi ses travers et ses blessures. Mais je n’ai pas réussi à ressentir l’empathie voulue pour ces deux personnages ni, comme je le disais, à comprendre ce que l’auteur attendait de moi.
Dommage, j’ai vraiment l’impression d’être passée à côté de cette lecture, d’avoir loupé quelque chose. Et quand je vois le portrait de l’auteur sur la quatrième de couverture, ces grands yeux sérieux et pleins d’une incommensurable tristesse (a-t-elle été prise avant ou après l’annonce, je ne peux m’empêcher d’y songer, bien que là je devienne intrusive…), je ne peux que me dire que j’aurais aimé mieux comprendre, j’aurais aimé avoir été emportée par ce livre. Je réessayerai, il n’y a pas de doute, mais pas tout de suite, il me faut d’abord digérer cette déception, déception vis-à-vis de moi-même je crois, plutôt que déception vis-à-vis de l’auteur.
 
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raton-liseur | 48 autres critiques | Sep 30, 2018 |
Difficile de restituer en peu de de mots la richesse et l'intensité de ce livre magnifique, servi par une magistrale traduction en français. La narration, complexe, imbrique passé et présent au plus serré, comme pour mieux en exclure un futur incertain.
La longue marche d'Ora et d'Avram à travers les paysages d'Israël aux accents bibliques dévide un fil ininterrompu de pensées et de paroles qui rendent puissamment l'intimité des êtres et des relations familiales.
Il y a quelque chose de Sheherazade en Ora qui s'emploie à utiliser le verbe pour épargner une vie... celle de son fils en l'occurrence. Les mots détiennent d'ailleurs une place et un pouvoir importants tout au long du livre.
Il est rare qu'un auteur parvienne à rendre avec autant de précision la complexité de ses personnages, suscitant tour à tour tendresse et irritation, compréhension et incompréhension.
Malgré la noirceur de l'histoire empreinte de l'horreur des conflits armés, de la haine ancestrale, de la torture, il est aussi largement question de renaissance et de résurrection.
Enfin et surtout, il ne faudrait pas oublier de dire qu'il s'agit d'un livre sur l'amour fou -revêtant plusieurs formes- , sur la fidélité à l'enfance, sur la difficulté à vivre sa vie d'adulte quand on porte le poids d'un passé lourd et des secrets...
 
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biche1968 | 62 autres critiques | Dec 24, 2012 |
Un livre indispensable et unique, juste magnifique, plus ici http://perruchenautomne.eu/wordpress/?p=1179
 
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PUautomne | 9 autres critiques | Nov 13, 2012 |
C’est d’abord le titre qui m’a attirée. Un titre étrange, antonyme de cet évènement qui changea la Torah en Bible, l’annonce faite à Marie. Opposition prolongée, et peut-être seulement apparente, par la randonnée en Galilée pour éloigner la mort, en écho à la marche qui aboutira à la naissance à Bethléem.
Pourtant il n’est pas question de religion ici, ni d’un énième livre pour nous expliquer de façon irréfutable où est le bon droit. On sait tous au fond que les sources de la légitimité à être sur une terre ou à être d’un peuple sont multiples, non hiérarchisables, et que seul le compromis est possible, qu’apprendre à vivre ensemble est la seule solution car personne n’abdiquera. David Grossman a des convictions politiques, qui ne sont pas celles de la majorité de ses concitoyens, mais ce n’est pas le propos de son livre, qui en Israël a connu un succès au-delà des clivages politiques.
Cette histoire est celle d’une femme qui, succombant à une superstition qu’elle se forge elle-même, essaye d’éloigner la mort qui veut lui prendre son fils en service militaire dans l’armée israélienne en partant loin de chez elle, loin de tout moyen de communication, persuadée qu’ « en se sauvant de chez elle le marché sera ajourné, même provisoirement, du moins le croit-elle – celui que l’armée, la guerre et l’État risquent de lui imposer sous peu, voire cette nuit même. Ce marché arbitraire qui l’oblige, elle, Ora, à accepter d’apprendre de leur bouche la nouvelle du décès de son fils, de sorte qu’elle leur prête main-forte pour mener le processus complexe et pénible à son terme logique, et, en validant cette mort, elle se fait en quelque sorte complice du crime » (p.115, Chapitre 3).
Pari fou contre la fatalité, la force d’une marcheuse contre les blindés de son propre pays, les blindés dans lesquels sert son fils Ofer, comme reproduisant à distance ce bras de fer de la place Tian Anmen qui avait ému le monde il y a quelques années*.
Il serait réducteur cependant de limiter ce livre à cette fuite en avant irrationnelle. C’est l’accroche, c’est ce que les critiques dans les magazines littéraires mettent en avant, mais ce n’est que la partie émergée de l’iceberg. Et, pour ses digressions, son foisonnement, c’est un livre qui ne plaira pas à tous. Moi aussi cette profusion de thèmes m’a parfois agacée, voulant que l’auteur se concentre sur ce pour quoi j’avais entamé ce livre, ce que le titre me proposait. Il m’a fallu attendre le premier tiers, presque la moitié, du livre pour que je trouve enfin un rythme de lecture qui s’accorde avec tous ces thèmes, toutes ces directions parfois seulement effleurées, mais qui étrangement, par une construction apparemment chaotique mais très maîtrisée, forment un ensemble cohérent dont il se dégage une grande émotion, qui m’a fait par moments monter les larmes aux yeux.

Ce qui suit peut dévoiler involontairement certains aspects clefs de l’intrigue. Les lecteurs voulant garder entière la découverte peuvent décider de ne pas aller plus loin...
A mon sens, la trame principale du livre n’est en réalité pas la peur d’une mère de perdre son fils, mais une histoire à la Jules et Jim (sachant que je n’ai ni lu le livre, ni vu le film). Un triangle amoureux, où l’état de guerre incessant s’inviterait comme quatrième personnage roue du carrosse ; une histoire d’amour où les figures du torturé brisé à jamais et du rescapé englué dans sa culpabilité brouillent les cartes et étouffent dans l’œuf tout espoir, toute prétention au bonheur. Pourtant ces trois-là restent unis, pris dans les rets d’une relation protéiforme qui hésite entre tendresse et culpabilité, devoir et espoir infondé.
Parce que les personnages choisissent de vivre malgré tout, ce livre est aussi celui d’une famille. Qu’est-ce que veut dire fonder une famille, élever des enfants, chercher bonheur et harmonie familiales quand la guerre est l’arrière-plan permanent, quand un enfant de six ans « fond soudain en larmes parce qu’il ne veut plus être juif, on nous tue tout le temps, on nous déteste » (p.435, Chapitre 7). Et, de déception en douloureuse prise de conscience, le livre finira par donner cette sensation dérangeante que dans ce pays, la survie de l’un se fait au détriment de celle de l’autre. Le couple Ilan / Avram est l’image du hasard insoutenable du doigt du destin, qui mourra qui sera épargné. Plus déroutant, le couple Ofer / Avram est celui du retour à la vie parce que l’autre est en danger, mourra peut-être. Macabres vases communicants.

Le livre ne répondra pas à tous les non-dits de ce trio amoureux, de cette famille, de ce pays. Mais, au prix d’une écriture qui semble rester floue sur les principaux aspects pour se perdre dans les détails d’une vie qui essaie tant bien que mal de tendre vers la normalité, il retrace la fuite en avant non pas d’un Etat ni d’un peuple, mais d’individus. Des individus pétris de contradictions, tiraillés sans fin entre leurs espoirs ou leurs illusions et une vie qui s’accommode du pire, entre refus et résignation.

Alors, au détour d’une phrase qui nous fait toucher à nous qui ne connaissons pas ces situations de conflits quotidiens, un salut à tous les Ofer dont une part d’enfance a été volée par la réalité sordide des joutes géopolitiques ; à tous les Avram dont on a volé le fond pour ne garder qu’une forme sans avenir ; à tous les Ilan qui portent la culpabilité du survivant. Et puis à toutes les Ora, qui, contre toute raison, continuent à porter et à passer le flambeau.
Et surtout, quel qu’aient été votre camp, votre cause ou vos chimères, sobre salut à vous tous, les Uri (1986-2001) que ce monde a fauchés au seuil de votre avenir.

* Je fais référence à la célèbre photo prise lors des manifestations de la place Tian Anmen en 1989 (Associated Press). On la trouve sur le site du photographe, Jeff Widener.
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raton-liseur | 62 autres critiques | Mar 24, 2012 |