> LA NUIT BENGALI Film de Nicolas Klotz d'après le roman de Mircea Eliade. — La fascination de l'Inde provient-elle du fait que les pannes de courant y sont fréquentes ? C'est ce que l'on est tenté de croire au début du film, qui démarre laborieusement dans un hôtel sordide habité par des précurseurs des hippies soixante-huitards… puis… ouf!, nous quittons les rues grouillantes et leur mystère en toc pour entrer dans la famille d'un ingénieur indien, en même temps que le héros (européen, lui). Là, le piège paraît si gros et semble si facilement contournable (le maître de maison donne l'impression de jeter sa fille dans les bras du jeune homme), que l'on ne voit pas l'autre piège, beaucoup plus insidieux et dangereux, qui est celui du malentendu, de l'incompréhension. Le moindre signe est interprété non pas en passant par le filtre de la superstition, mais plutôt par celui de la sensibilité, des usages, de la religion, qui sont diamétralement opposés ; cela aboutit à une souffrance générale et un gâchis qui laisse un goût amer.
C'est aussi un beau film sur la femme indienne, « gardienne de son propre mystère », comme l'a déclaré le réalisateur.
Les acteurs indiens sont remarquables ; Allan (le jeune homme) joue quelquefois les maladroits avec maladresse, à d'autres moments donne le ton juste. A voir pour le charme, et pour bien se mettre dans la tête que l'Orient peut se dérober à l'Occidental quand celui-ci croit l'avoir saisi. F.B.
—Carnets du Yoga, janv. 1989