> Babelio : https://www.babelio.com/livres/Savater-Ethique-a-lusage-de-mon-fils/2768

> PLUS QU’HIER, MOINS QUE DEMAIN, par Michel Bélair. — Pas facile de parler à son fils de 16 ans. Surtout quand il vous regarde du haut de ses boutons et de ses 6’3” et qu’il a pris l'habitude de vous traiter comme un vieux débris. L'entreprise est encore plus périlleuse lorsque le sujet abordé est celui des règles du comportement, ce qu’on appelait « l'éthique » du temps du vieux collège classique.
Fernando Savater, un philosophe de la nouvelle école espagnole, a fait de l'éthique son champ de tir le plus régulier. Dans ce petit livre qu'il vient de faire paraître, il n’est toutefois pas question d’un traité de morale classique. Bien au contraire. Éthique à l'usage de mon fils est conçu comme une longue lettre divisée en courts chapitres d’une quinzaine de pages chacun. Sans concession à la facilité ou à la mode, Savater tente d'y faire comprendre à son fils qu’il doit d’abord se faire confiance…
Comme il le précise d’entrée, ce n’est pas ici que l’on trouvera « un catalogue de réponses moralisatrices aux problèmes que nous rencontrons tous les jours (…) de l'avortement à l’objection de conscience en passant par les préservatifs ». Ce que cherche le philosophe, c’est de donner à son fils les moyens de « bien vivre sa vie d’homme » au loin des réponses toutes faites inventées par les autres.
Bien sûr, cela ne va pas de soi : ce livre ne se lit pas comme un roman, peut-être parce que l'éthique n’a rien à voir avec les cadeaux-surprises qu’on trouve dans les boites de céréales. Et que la liberté et la responsabilité sont des denrées rares qui se consomment de l’intérieur, lentement et à petites doses. Savater se défend bien de faire référence aux grands courants historiques de la théorie morale, mais il choisit ses exemples chez Aristote, Rabelais et Shakespeare tout autant que dans les petits faits ordinaires de la vie d’aujourd’hui. Tous ceux qui ont déjà essayé de parler d'autre chose que de sport, de musique rock ou d'allocation avec leur(s) ado(s) trouveront le résultat éminemment sympathique. Ils auront même sûrement la tentation de laisser traîner ce petit livre d’à peine 180 pages, au cas ou…
Surtout que la question posée se résume finalement assez facilement : comment vivre de la meilleure (entendre « la plus pleine ») façon possible. Aujourd’hui, plus qu’hier et moins que demain, c’est encore un sujet sur lequel il vaut la peine de se pencher. (Michel BÉLAIR)
—Le devoir, 9 avril 1994, Cahier D, (p. 6)