Pour une brève incursion dans les mémoires de jeunesse de SImone de Beauvoir, rien de mieux, sans doute, que de la citer :
«Je rêvais d’être ma propre cause et ma propre fin ; je pensais à présent que la littérature me permettrait de réaliser ce vœu. Elle m’assurerait une immortalité qui compenserait l’éternité perdue ; il n’y avait plus de Dieu pour m’aimer, mais je brûlerais dans des millions de cœurs. En écrivant une œuvre nourrie de mon histoire, je me créerais moi-même à neuf et je justifierais mon existence. En même temps, je servirais l’humanité : quel plus beau cadeau lui faire que des livres ? Je m’intéressais à la fois à moi et aux autres ; j’acceptais mon « incarnation » mais je ne voulais pas renoncer à l’universel : ce projet conciliait tout ; il flattait toutes les aspirations qui s’étaient développées en moi au cours de ces quinze années.»

Née en 1908, Simone de Beauvoir raconte avec beaucoup d'honnêteté et de clarté que fut son enfance bourgeoise auprès de sa sœur aimée, au sein d'une famille plutôt aimante mais très stricte et peu permissive, puis son adolescence et ses jeunes années en tant qu'étudiante. Elle retrace la grande gaieté d'une petite fille qui se sentait libre et déjà unique, qui a subi ensuite en grandissant les affres de la restriction de la famille et de la religion. Elle évoque sa passion dévorante pour les études et la connaissance sans que cela se fasse jamais au détriment des relations humaines toujours si importantes à ses yeux (sa sœur Poupette, ses amis dont Zaza qui a tellement compté pour elle). Toujours en quête d'elle-même, toujours en questionnement, ses mémoires révèlent la grande femme d'esprit qu'elle fut, au moyen d'une écriture riche et limpide.

En osant montrer comment on se dégage d'une éducation très bourgeoise, conservatrice et catholique, Simone de Beauvoir donne un exemple de courage, de conviction et de lucidité assez rare. Ce témoignage qui analyse beaucoup et juge peu (ce qui contribue à sa très grande qualité) est l'histoire d'une chrysalide en jeune fille rangée annonçant le papillon, la femme à venir et en liberté qui dérangera à travers ses écrits.

Un texte de très grande qualité, par son amplitude, sa force de vie et de réflexion et où l'on décèle une influence existentialiste : l’individu ne peut accéder à l’être qu’en étant animé de projets, qu’en cherchant la transcendance à travers ses actes. ( )

> « Je rêvais d'être ma propre cause et ma propre fin ; je pensais à présent que la littérature me permettrait de réaliser ce vœu. Elle m'assurerait une immortalité qui compenserait l'éternité perdue ; il n'y avait plus de Dieu pour m'aimer, mais je brûlerais dans des millions de cœurs. En écrivant une œuvre nourrie de mon histoire, je me créerais moi-même à neuf et je justifierais mon existence. En même temps, je servirais l'humanité : quel plus beau cadeau lui faire que des livres ? Je m'intéressais à la fois à moi et aux autres ; j'acceptais mon "incarnation" mais je ne voulais pas renoncer à l'universel : ce projet conciliait tout ; il flattait toutes les aspirations qui s'étaient développées en moi au cours de ces quinze années.»
—Pauline Hamon (Culturebox)

> Par Le Point.fr : Simone de Beauvoir libère un Doodle !
9 janv. 2014 ... Dans Mémoire d'une jeune fille rangée, publié en 1958, le "Castor" (le surnom lui est donné à cause de la parenté de son nom avec "beaver", "castor" en anglais) raconte son parcours, et la conquête de sa liberté intellectuelle, amoureuse, sexuelle, sur les conservatismes de son milieu et de son époque ...

Le récit se concentre sur l'enfance et l'adolescence de Simone de Beauvoir.
Son autobiographie se compose de trois volumes : Mémoire d’une jeune fille rangée (1958), La Force de l’âge (1960) et, en 1963, La Force des choses. Pour Jean-Louis Jeannelle, cette œuvre appartient pleinement à la tradition mémorialiste puisque la vie publique y tient une très grande place.

Sartre répondait exactement au voeu de mes quinze ans : il était le double en qui je retrouvais, portées à l'incandescence, toutes mes manies. Avec lui, je pourrais toujours tout partager. Quand je le quittai au début d'août, je savais que plus jamais il ne sortirait de ma vie.

Simone de Beauvoir se construit, déterminée et farouche pour échapper et s'affranchir des tabous de son milieu. Elle découvre le monde et sait qu'elle aura un rôle à jouer. ( )