Les ouvrages d'anticipation sont toujours tenus pour d'aimables plaisanteries de la part des auteurs dits "sérieux". De ce faits ils semblent rarement prophétiques à de rares exceptions près. Cependant, ce qui nous atteint dans le monde "réel" leur donne souvent un arrière-goût de raison. Si nous nous complaisons à nous plaindre que les sociétés humaines sont souvent au bord du gouffre, ces oeuvres nous font faire un grand pas en avant.

Brian Aldiss est un auteur de premier plan, auteur d'Helliconia (Le Printemps d'Helliconia) et inspirateur du film AI(A.I. Intelligence artificielle). Son oeuvre tourne autour des utopies. C'est l'objet de ce livre dont le titre sonne comme un rapport officiel. Il n'incite pas à l'optimisme. Tout va à la dérive dans ce conglomérat dont le président est un mégalomane excité et où la guerre est source de distraction. La démocratie y est inexistante et l'état moral de la société varie au gré des comportements les plus douteux. L'art suit la même pente, la télévision assure la cohérence culturelle. A la suite d'évènements anodins, le grain de sable va se mettre dans la belle mécanique et transformer cette construction politique en un pandémonium terrible.

Ce n'est pas le meilleur livre d'Aldiss. Le style est banal, la lecture hachée. On pourra préférer des livres plus sombres sur le sujet, comme ceux de Norman Spinrad (Jack Barron et l'Eternité, Rock Machine) ou Robert Silveberg (Les Monades urbaines). Cependant, le livre d'Aldiss est parcouru de dialogues percutants d'androïdes qui cherchent vainement à comprendre le monde humain. L'humour est caustique. Nul ne souhaiterait que ce roman soit prémonitoire mais en ce domaine, il se peut que la fameuse loi de Murphy trouve encore à s'appliquer. Quelle époque formidable. ( )