Cliquer sur une vignette pour aller sur Google Books.
Chargement... The Book and the Brotherhood (1987)par Iris Murdoch
Chargement...
Inscrivez-vous à LibraryThing pour découvrir si vous aimerez ce livre
aucune critique | ajouter une critique
Prix et récompenses
A story about love and friendship and Marxism Many years ago Gerard Hernshaw and his friends "commissioned" one of their number to write a political book. Time passes and opinions change. "Why should we go on supporting a book which we detest?" Rose Curtland asks. "The brotherhood of Western intellectuals versus the book of history," Jenkin Riderhood suggests. The theft of a wife further embroils the situation. Moral indignation must be separated from political disagreement. Tamar Hernshaw has a different trouble and a terrible secret. Can one die of shame? In another quarter a suicide pact seems the solution. Duncan Cambus thinks that since it is a tragedy, someone must die. Someone dies. Rose, who has gone on loving without hope, at least deserves a reward. Aucune description trouvée dans une bibliothèque |
Discussion en coursAucunCouvertures populaires
Google Books — Chargement... GenresClassification décimale de Melvil (CDD)823.914Literature English & Old English literatures English fiction Modern Period 1901-1999 1945-1999Classification de la Bibliothèque du CongrèsÉvaluationMoyenne:
|
Cette brillante scène inaugurale plonge le lecteur dans un univers shakespearien, entre intrigue et magie, dont l’auteure a le secret. Soirée un peu folle, nocturne (où chacune cherche son chacun et vice versa), au cours de laquelle tout semble à la fois possible et impossible, où les amours se nouent, se défont ou se ratent.
Bien que le procédé du retour en arrière propre à un récit soit connu pour être régulièrement usité en littérature, il est particulièrement bien maîtrisé dans The Book and the Brotherhood. L’introduction sommaire et « de plain-pied » des personnages et de leurs actes, projette sur eux l’ombre d’un passé qu’il nous tarde de voir éclairé.
On s’aperçoit assez rapidement qu’on a affaire à une bande d’amis qui se connaissent pour la plupart depuis l’université : Gerard, Rose, Jenkin, Duncan, Jean, Gulliver et Crimond. La lunaire Lily, qui vante les exploits de sorcellerie de sa grand-mère, n’est qu’une pièce rapportée qui peine à trouver sa place au sein d’un cercle plus « intello ». Se greffe à ce cénacle un personnage beaucoup plus jeune mais qui occupe une place assez centrale dans le récit, dans la mesure où il s’offre en miroir pour autrui : celui de Tamar, nièce de Gerard, qui connaît bien chacune des personnes composant le petit cercle initial mais qui développera des liens particuliers avec Duncan, Lily et Jenkin. D’autres personnages figurent dans le roman parmi lesquels on trouve Violet, mère involontaire, amère et vengeresse de Tamar, Gideon et sa femme Patricia ou bien encore le défunt Sinclair, frère de Rose dont Gerard était amoureux, et dont le souvenir est régulièrement rappelé. C’est qu’Iris Murdoch sait incarner et donner vie à ses personnages (y compris aux défunts), quelle que soit la place qu’ils occupent dans le récit.
Mais LE personnage central du livre, dont on ignore finalement l’essentiel mais qui mène le bal de bout en bout, c’est le mystérieux et tourmenté Crimond. Objet de fascination, de passion amoureuse (qui n’est pas sans rappeler le personnage de Pasolini dans Théorème), de peur, de rejet ou d’indignation, c’est peu dire qu’il ne laisse personne indifférent. Les idées révolutionnaires post-marxistes qui l’agitent et occupent toute sa vie doivent faire l’objet de la rédaction d’un livre, en gestation depuis ses années universitaires. Au point que ses amis décident de créer une sorte de confrérie propre à financer le projet d’un homme désargenté –car intégralement dévoué à son grand œuvre– mais potentiellement génial.
La lassitude de devoir financer un « ami » aussi peu amical que Crimond, qui fait traîner son projet en longueur, qui ne manifeste aucune gratitude envers ses bienfaiteurs et qui ne prend même pas la peine de les tenir informés sur l’état d’avancement de son travail, prend une tout autre dimension lorsque Crimond pousse, pour la deuxième fois, Jean à quitter son mari (Duncan).
La confrérie se concerte et vacille face à ce coup de tonnerre et certains membres (Rose et Gulliver en tête) considèrent que l’heure des comptes a sonné. Il s'agit d'un basculement important, puisqu'il est l'occasion de mettre en lumière la grande difficulté à rester fidèle à ses idéaux de jeunesse. Crimond, en tant que personnage entier et radical, le seul à vouloir entretenir la flamme de la révolution, le seul qui n'ait pas trahi ses idéaux et ne se soit pas laissé glisser dans un environnement bourgeois, devient un archétype auquel on se mesure et en fonction duquel on explore sa conscience. Le caractère imbuvable de Crimond permet heureusement de s'arranger plus aisément avec cette dernière.
Comme dans ses autres romans, Iris Murdoch décrit, dissèque (en grattant parfois jusqu’à l’os) les relations qui unissent des personnes, en duo, en trio ou en sein d’un groupe. Elle sait le faire avec beaucoup d’adresse et d’acuité, même si les interactions humaines et sentimentales qu’elle met en lumière semblent parfois schématiques. A aime B qui aime C qui aime D… : comprendre Tamar aime (ou croit aimer) Duncan qui aime Jean qui aime Crimond qui aime (momentanément ?) Rose qui aime Gerard qui aime Jenkin… L’amour et la suspicion d’amour semblent s’équivaloir puisque les transferts d’affection sont légion. La nature et la fonction du sentiment amoureux sont finalement plutôt malmenées par l’auteure qui n’hésite pas à en démontrer les accents irrationnels, contradictoires, éphémères ou vides. Quand on trouve qu’elle force un peu le trait (que dire de la déclaration d’amour de Crimond à Rose à la fin du livre, de même que du grand trouble passager qu’il sème en elle), il faut se rappeler l’intérêt tout particulier qu’Iris Murdoch porte au théâtre.
Quels que soient leur âge et leur histoire personnelle, les personnages n’en finissent pas de s’interroger et d’errer ; peinant véritablement à s’accomplir, les femmes –décidément pas présentées sous leur meilleur jour– sont les premières victimes d’un sentiment de vide. Souffrant de dépendance affective qui les oblitèrent en tant qu’individus et les forcent à l’inaction (Jean, Rose, Tamar), elles sont par ailleurs dépressives (Tamar, Violet, Lily). Même si les personnages masculins ne sont pas exempts d’un sentiment de désespoir (Duncan, Crimond) ou d’incertitude face aux choix qu’il conviendrait de faire pour mener à bien leur existence (Jenkin, Gerard), ils ne sont en aucun cas aussi velléitaires que les femmes et leur désespoir peut être fécond (Crimond en est la parfaite illustration).
La soif de l’amour parfait, exclusif et inconditionnel, incarné par la relation entre Crimond et Jean, est décrite sous la lumière la plus crue qui soit : celle de l’enfermement, de la folie, de la destruction et du suicide. L'amour est aussi vécu comme une véritable maladie chez Duncan, irrémédiablement attaché à Jean, qui le quitte à deux reprises, à quelques années d'intervalle, pour rejoindre Crimond.
L’auteure ne laissera jamais à qui que ce soit la possibilité de couler des jours heureux et insouciants. L'amour et l'amitié -sentiments aux frontières très ténues- sont nécessairement cannibales.
Une fois de plus, la romancière se laisse aller à des descriptions souvent trop détaillées de l’habillement et de l’alimentation des personnages mais on le lui pardonne assez facilement, dans la mesure où ces quelques fioritures littéraires n’entravent pas la dynamique du récit.
Car il reste toujours suffisamment à méditer sur la dimension tragique des personnages de Murdoch, marionnettes aux prises avec les caprices et les griffes du destin et du hasard. Sur l’insoutenable désir de pureté (notamment incarné par le personnage de Tamar) et les trahisons de toutes sortes qui en résultent. Les aventures des personnages ne sont-elles pas uniquement le résultat de songes ou d'illusions magiques ? À l'exception de Jenkin, dont la mort semble s'offrir en symbole d'expiation pour l'ensemble du groupe, tout ne "rentre-t-il pas dans l'ordre" à la fin du livre ? Jean est retournée à son mari, Gerard à Rose, Gulliver à Lily, Tamar à l'université, etc.
The Book and the Brotherhood illustre une fois de plus -la thématique traverse l'ensemble de l'oeuvre d'Iris Murdoch- la difficulté extrême sinon l'impossibilité à décider de sa voie et du sens à donner à son existence. D'où l'attention unanime et excessive portée à Crimond qui semble le seul à savoir à quoi il se destine et qui sera le seul à réussir à mener jusqu'au bout le projet poursuivi depuis sa jeunesse. L'auteure compte-t-elle nous dire qu'il convient d'être illuminé et obsessionnel pour y parvenir ?
Restera aussi pour le lecteur le souvenir de scènes magnifiques, parmi lesquelles émergent incontestablement la scène inaugurale du bal à Oxford et le plan suicidaire en voiture, orchestré par le maléfique Crimond. ( )