En version oversized, l'Arme X réaffirme avec classe son statut d'oeuvre à part, fondatrice et incontournable du paysage des comics avec un récit entièrement conçu et illustré (et colorisé) par un artiste impliqué qui se réapproprie totalement un personnage déjà chargé d'une aura singulière et raconte un épisode capital de son passé. La narration, vive, ludique mais chaotique, se cale sur l'état d'esprit du héros (paumé, puis torturé, puis paumé à nouveau) et celui des quelques rares protagonistes nommés (le mystérieux professeur, complètement parano, le Dr Cornelius et sa secrétaire Hines) : les dialogues s'entrecoupent, se chevauchent et les encadrés récitatifs renforcent encore le côté psychanalytique de l'oeuvre, agissant plutôt comme une voix off sans indication de lieu ou de temps. La mini-série se vit comme une aventure sous acide, une expérience hallucinatoire où le réel, terrible et sanglant, transperce l'illusion, où les souvenirs s'effilochent et la psyché se délite. Le choix des couleurs, quasi psychédéliques (on a parfois l'impression de lire du Moebius période l'Incal) tranche furieusement avec le tout-venant des histoires de super-héros et confère un ton abrupt aux séquences ultra-violentes tout en achevant d'inscrire, avec le run de Frank Miller, ce satané Logan au rang de figure tutélaire de l'univers Marvel, voire de la culture pop, avec ce personnage au passé trouble, aux capacités méconnues, qui cherchait la solitude et l'oubli et qui libéra la bête en lui le jour on a tenté de le domestiquer de force. Ni sauveur, ni justicier, (le pas encore) Wolverine est ici décrit comme un gars qu'il vaut mieux pas trop faire chier. On ne fera guère mieux que cet album par la suite, quand bien même les possibilités intrinsèques soient gigantesques : pas facile de se mettre à la hauteur du Meilleur dans sa partie. ( )