> Gallica : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k17266b/f117.item

> Le sentiment que j'ai de Dieu n'est pas celui d'une divinité,
mais un sentiment d'émerveillement profond.
—ALBERT EINSTEIN

L’attrait d’un livre de ce type est toujours particulier. En premier lieu, l’auteur fait partie de ces quelques « monstres sacrés » de l’imaginaire collectif du 20e siècle. Sa posture de scientifique majeur le dégage presque entièrement de tous les a priori ou jugements de valeurs auxquels sont soumis inévitablement un écrivain, un journaliste, ou pire encore un homme politique, qui véhicule avec lui une origine –nationale, raciale, sociale – et un système de valeurs. La science, par nature universelle et vraie dissimule l’Homme et ses jugements partisans derrière le masque du Scientifique. Ainsi, on s’attend à ce qu’Einstein nous délivre son appréciation sur le monde comme une démonstration logique.
Or bien sûr, il n’en est rien. Dès qu’il prend sa plume pour exprimer ses idées, ses origines refond surface. La cause juive constitue une part importante de l’ouvrage, permettant en même temps le traitement du fait religieux. Très vite, on remarque qu’Einstein place au cœur de sa réflexion un concept métaphysique échappant à toutes méthodologies scientifiques : la Vie. Pour lui, le fondement du Judaïsme, plus qu’une doctrine religieuse est l’acceptation commune du caractère sacrée de cette dernière. Son analyse de l’impossible intégration complète du peuple juif dans les sociétés nationales est d’ailleurs bien illustré dans le récent film « Le secret » par le personnage joué par Patrick Bruel. Inlassablement, Einstein défend l’idée d’un état juif pour faire passer une communauté disparate, liée par des traditions ancestrales à une véritable puissance politique. A ce propos, on ne peut que regretter l’absence de datation des textes – discours, lettre, article de journaux – qui aurait permis de les replacer, à coup sûr, dans leur contexte historique. Ainsi, devant cette vision idyllique d’Israël, on peut supposer que ces textes sont antérieurs à sa création effective et les « problèmes » dramatiques qu’elle a posé. On aurait aimé connaître son jugement de pacifiste convaincu sur le conflit Israélo-palestinien.
Le pacifisme, voilà la deuxième grande partie du livre. Son époque, traversée par deux guerres mondiales, lui a permis, aussi tristement que cela soit, de parler en connaissance de cause et cela se ressent dans la véhémence et la sincérité de ces propos. Du refus du service militaire aux tentatives de désarmement en passant par l’existence chaotique de la Société des Nations, Einstein exprime ses convictions avec force mais se place plus dans le champs de la persuasion et dans l’application de programmes concrets que dans l’analyse philosophique des concepts, comme le fait Kant dans son « Projet de paix perpétuelle » à un haut niveau d’abstraction.
Enfin, le dernier chapitre du livre est fort logiquement consacré à la Science. Les articles sont variés, traitant de l’histoire des sciences, rendant hommages à de grands physiciens, éclairant certaines théories. Celle de la relativité est évidement mise en avant, et reliée à la théorie générale des Champs. Les explications, pour un sujet aussi complexe et abstrait, sont relativement compréhensibles et sans surprise, c’est dans ce domaine qu’Einstein est le plus convaincant. ( )