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Carnets de la drôle de guerre

par Jean-Paul Sartre

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During the phony war that preceded the invasion of France, between late 1939 and the summer of 1940, the young Jean-Paul Sartre was stationed in his native Alsace as part of a meteorological unit. He used his considerable periods of spare time, between mundane duties like watching weather balloons, to make a series of notes on philosophy, literature, politics, history and autobiography that anticipate the themes of his later masterpieces, and often surpass them in literary verve and directness. These War Diaries form a portrait of Sartre in his most intense and brilliant phase. With them the twentieth century's most remarkable and public philosopher has provided us with a fitting posthumous monument to his honest and creativity.… (plus d'informations)
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« La guerre n'a jamais été plus insaisissable que ces jours-ci. Elle me manque, car enfin, si elle n'existe pas, qu'est-ce que je fous ici. »
« Je savais que je n'avais rien à foutre, que cette institution des postes de sondage était scandaleuse, que j'avais une planque enviable et injustifiée. Je le savais mais je n'aime pas que d'autres s'en aperçoivent. Et me voilà ballotté comme toujours entre le cynisme et la noblesse d'âme existentielle. Aujourd'hui c'est le cynisme qui l'emporte, parce qu'on m'y a jeté. Ce carnet me dégoûte comme des effusions d'ivrogne. »
« De toute façon cette idée de destin est profondément ancrée chez moi : j'ai un destin. Elle m'aide à considérer mystiquement tout ce qui m'arrive comme des étapes nécessaires de ma destinée, que je dois transformer en miel. Et, bien que je répète et croie parfois que la guerre abrutit celui qui l'a faite, je ne puis m'empêcher de la considérer comme source d'expérience, donc pour moi de progrès. Car l'idée de progrès, complémentaire de celle de destin, est aussi essentielle chez moi. C'est ce que le Castor appelle mon optimisme. »
« Une grande habileté, c'est de se dire que ce qui vous ennuie vous éduque. »
Mobilisé en Alsace au service météorologie, Sartre a tenu ces Carnets de la drôle de guerre entre septembre 1939 et juin 1940. Sur les 15 carnets qu’il a rédigés à cette période, seuls 6 ont été retrouvés et ont pu être publiés (chez Gallimard en 1983, soit trois ans après la mort de Sartre).
C’est aussi à cette période qu’il rédige l’essentiel de L’Âge de raison.
Drôles de carnets que ces Carnets de la drôle de guerre. Sartre y décrit son quotidien de soldat ordinaire dans un état de mobilisation oisive qui lui laisse beaucoup de temps pour la réflexion et l’écriture. Il envisage, selon ses propres mots, d’apporter « le témoignage d’un bourgeois de 1939 mobilisé ». Il y pose également les bases de son système philosophique qui donnera notamment naissance à L’Être et le Néant. Il y livre enfin ses expériences et commentaires d’homme, d’intellectuel et de lecteur. Ce sont de loin les passages les plus intéressants, avec ceux qui rendent compte de sa vie de soldat.
Il lit avec grand intérêt le Journal de Gide (notamment la partie rédigée pendant la première guerre mondiale), d’autres récits ou réflexions sur la guerre (dont Alain), Malraux (en lisant La Condition humaine, il se dit agacé par une « ressemblance fraternelle » entre les procédés littéraires de l’auteur et les siens), Flaubert qu’il critique durement (mais qu’il réhabilitera plus tard en lui dédiant quelques milliers de pages), le Journal de Jules Renard (auquel il reconnaît un grand talent pour la formule littéraire mais qu’il trouve dénué d’intelligence)… bien d’autres auteurs encore parmi lesquels figurent Valéry Larbaud, Julien Green, Stendhal, les Goncourt, Kafka, etc.
Ses commentaires sur l’écriture de Flaubert (dans L’Education sentimentale ») m’ont paru assez absurdes et pédants. Flaubert s’autorise à bousculer l'usage de certains mots, de secouer la littérature. Et quand on a le génie littéraire de Flaubert, on en a simplement le droit. Sartre réagit étrangement en conservateur de l'écriture.
Les prémices de la pensée philosophique de Sartre sont exposées de manière confuse au point de les rendre quasiment illisibles à certains endroits. Le caractère fragmentaire de ces carnets n’y est probablement pas totalement étranger.
Quant à son analyse de l’histoire telle qu’elle se présente à l’époque, on est une fois de plus surpris par la légèreté avec laquelle il analyse ou commente le danger nazi. On y retrouve finalement le même manque de clairvoyance dont il avait fait preuve lors de son année passée à Berlin en 1933.
Il ne cesse d’écrire et prend pleinement conscience de sa « vocation » d’écrivain. Il sait déjà que tous ses écrits composeront une œuvre :
« j'ai toujours conçu mes écrits non comme des productions isolées mais comme s'organisant en une œuvre. Et cette œuvre tenait dans les limites d'une vie humaine. Mieux, par méfiance de la vieillesse, j'ai toujours pensé que l'essentiel en serait écrit pour mes soixante ans. Reste cet enfantillage absurde mais profond que je ne me voyais pas mourir avant soixante-dix ans. Il en résultait comme un manchon de vide séparant la fin de ma vie de ma mort. Autrement dit, pour moi ma vie a une fin bien avant que je meure, de même qu'elle a un commencement bien après ma naissance (en partie parce que je n'ai pas beaucoup de souvenirs d'enfance). Il en résultait pour moi une existence consciente, parfaite et finie, quasi circulaire, où les attentes étaient exactement recouvertes par les résultats, l'informe étant en deçà et au-delà de ma vie réelle, car l'essentiel n'est pas d'être immortel. L'essentiel c'est que la vie ait un achèvement. »
Sa forte tendance à l’auto-dénégation – dont il est conscient – s’exerce aussi et surtout sur son travail d’écriture. Il se critique beaucoup en tant qu’écrivain et vise toujours mieux, comme en témoigne ce passage :
« Il y a dans mon écriture je ne sais quoi d'épais et de germanique. Dans mes phrases une adiposité discrète qui les empâte légèrement. À la longue elles m'insupportent. Il faudrait dégraisser mais il me semble toujours qu'alors l'idée ou le sentiment perdrait sa nuance. J'ai toujours été écœuré après avoir écrit longtemps. Pour moi, mon style a une odeur organique, comme le souffle chargé d'un malade, comme une odeur d'estomac. »
Il ne manque pas de s’interroger sur le sens et la finalité de ses carnets, tout en espérant bien sûr éviter toute pensée factice ou inauthentique :
« Mes pensées devraient se préciser sous ma plume, mais depuis quinze ans que je pense, je me suis organisé sans le secours d'un carnet. Je pense et exprime en moi, je retiens sans écrire. En sorte que, la plupart du temps, ce que je consigne ici était déjà tout pensé et tout formulé dans ma tête. D'ailleurs, ici, nouvelle ambiguïté du journal intime : faut-il penser en écrivant ou écrire ce qu'on a pensé ? Penser en écrivant, c'est-à-dire préciser et développer un thème la plume à la main : on risque de se forcer, on devient insincère. Écrire ce qu'on a pensé : alors ce n'est plus un journal intime ; il a perdu ce je ne sais quoi d'organique qui fait son intimité. À vrai dire je ne vois à ces carnets que deux utilités : servir de memento – présenter, à côté des pensées, l'histoire des pensées. »
« Vis-à-vis de Gauguin, Van Gogh et Rimbaud j'ai un net complexe d'infériorité parce qu'ils ont su se perdre. Gauguin par son exil, Van Gogh par sa folie et Rimbaud, plus qu'eux tous, parce qu'il a su renoncer même à écrire. Je pense de plus en plus que, pour atteindre l'authenticité, il faut que quelque chose craque. »
La multiplicité de ses amours occupe pas mal son esprit, entre l’essentiel (le Castor) et les contingentes (les deux sœurs Wanda). Ses relations sentimentales font l’objet d’un ascenseur émotionnel permanent.
Ainsi, lorsqu’il évoque Olga qu’il pense ne plus aimer :
« Ce matin, une fois de plus, j'ai « rompu moralement » avec elle. Détachement : toujours le même truquage. Sa personne subit d'un seul coup une dépréciation totale du fait que je sens qu'elle ne m'aime pas assez pour m'attendre. Et, comme elle est dépréciée, je ne tiens plus à elle, ni ne la regrette. Seulement j'ai l'impression qu'il me manque une dimension, mon univers s'est rétréci. »
Sa soif éperdue d’authenticité se dissout dans les méandres des sentiments qui l’amènent à ménager les jalousies. Ainsi, quant il obtient une permission de deux semaines, seule Beauvoir en est informée ; il dira à Wanda que son temps de permission n’excède pas une semaine.
Sur sa vie amoureuse, il s’épanche néanmoins assez peu. Il n’aime pas les journaux intimes et leur préfère de loin les journaux « extimes ».
« Mais je ne pense pas qu'il y ait avantage à s'épouiller toute sa vie. Loin de là. J'avais horreur des carnets intimes et je pensais que l'homme n'est pas fait pour se voir, qu'il doit toujours fixer son regard devant lui. Je n'ai pas changé. Simplement il me semble qu'on peut, à l'occasion de quelque grande circonstance, et quand on est en train de changer de vie, comme le serpent qui mue, regarder cette peau morte, cette image cassante de serpent qu'on laisse derrière soi, et faire le point. Après la guerre je ne tiendrai plus ce carnet ou bien, si je le tiens, je n'y parlerai plus de moi. Je ne veux pas être hanté par moi-même jusqu'à la fin de mes jours. »
Il s’exprime néanmoins sur la passion éprouvée auparavant pour Olga, avant qu’il ne tombe amoureux de sa sœur Wanda :
« Je fus au plus bas au moment de ma folie et de ma passion pour Olga : deux ans. De Mars 1935 à Mars 1937. Mais pourtant ces infortunes me furent profitables. La folie recula les limites du vraisemblable : de ce moment j'ai abandonné mon optimisme bourgeois et j'ai compris que tout pouvait m'arriver, aussi bien qu'à un autre. J'entrai dans un monde plus noir mais moins fade. Quant à Olga, ma passion pour elle brûla mes impuretés routinières comme une flamme de bec Bunsen. Je devins maigre comme un coucou et éperdu ; adieu mes aises. Et puis nous subîmes, le Castor et moi, le vertige de cette conscience nue et instantanée, qui semblait seulement sentir, avec violence et pureté. Je l'ai mise si haut alors que, pour la première fois de ma vie, je me suis senti humble et désarmé devant quelqu'un et que j'ai désiré apprendre. »
« C'est là le fond de la joie d'amour : se sentir justifié d'exister. »
« Ces divers couples dont j'étais un membre ont toujours paru écrasants de puissance aux gens qui nous entouraient. Et ils l'étaient. Surtout le dernier, celui que j'ai formé avec le Castor. Nos liens étaient à ce point solides et fascinants pour autrui que personne ne pouvait aimer l'un de nous deux sans être saisi d'une jalousie féroce et qui finissait par se changer en irrésistible attirance pour l'autre, avant même de l'avoir vu, sur de simples récits. Si bien que l'amitié a toujours été pour moi, non pas une vague liaison affective, mais un milieu, un monde et une force. »
Ses rapports à l’amitié sont toutefois plus complexes et ambigus, comme le démontre le passage suivant :
« J'ai essayé de garder des rapports amicaux avec des femmes à qui j'avais été uni par de tout autres liens. Mais dès que je n'aime plus, je m'ennuie. Je crois que je n'ai pas besoin d'ami parce qu'au fond je n'ai besoin de personne, je n'ai pas besoin d'aide, de ce secours austère et constant qu'offre l'amitié. »
Il enfonce le clou en écrivant plus loin dans ses carnets :
« Je ne suis solidaire de rien, pas même de moi-même ; je n'ai besoin de personne ni de rien. Tel est le personnage que je me suis fait, au cours de trente-quatre ans de vie. »
Il exprime sa nette préférence pour les femmes dont il prise sans cesse la compagnie :
« Moi qui m'ennuie crasseusement dans la compagnie des hommes, il est extrêmement rare que la compagnie des femmes ne me divertisse. Je préfère parler avec une femme des plus petites choses que de philosophie avec Aron. C'est que ce sont ces petites choses qui existent pour moi et n'importe quelle femme, même la plus bête, en parle comme j'aime à en parler moi-même ; je m'entends avec les femmes. J'aime leur façon de parler, de dire les choses et de les voir, j'aime leur façon de penser, j'aime les sujets sur quoi elles pensent. »
Il est par ailleurs amusant de lire la forte inquiétude que lui procurent ses prises de poids :
« Tous les quatre ou cinq mois, je regarde mon ventre dans une glace et je me désole. Je décide à ce moment-là de suivre un régime sévère et même difficilement supportable. L'horreur de devenir gros m'est venue sur le tard… […] quand j’ai connu Olga, j’ai pris les grosses gens en horreur et j’ai commencé à mourir de peur de devenir un petit gros chauve. »
La pensée de Sartre, toujours riche, curieuse et en mouvement, est celle d’un homme qui ne se fige jamais lui-même dans son essence. Rien ne saurait peut-être l’inquiéter davantage que de cesser d’évoluer, de s’attacher à ses souvenirs, à ce qu’il a été :
« Moi, maladroitement, sincèrement indigné qu'on me reproche une faute si lointaine et qu'on me solidarise de force avec celui que j'étais en 1929 : « Tu ne vas tout de même pas me condamner à présent pour une saloperie que j'ai commise en 1929 ! » C'est mon orgueil qui me fait parler, mon sens du progrès et cette façon que j'ai de me désolidariser de ce que j'étais la veille. Chaque fois que quelqu'un semble frappé par la permanence de mon moi, je suis égaré d'inquiétude. »
« Mais en vain : je me suis senti totalement libre en face de ces souvenirs. C'est la rançon de la liberté, on est toujours dehors. On est séparé des souvenirs comme des mobiles par rien, il n'est pas de période de la vie à laquelle on puisse s'attacher, comme la crème brûlée « attache » au fond de la casserole ; rien ne marque, on est une perpétuelle évasion ; en face de ce qu'on a été on est toujours la même chose : rien. […] Ça n'a aucune importance d'avoir ce passé-ci ou ce passé-là. Il faut, pour qu'il existe, que nous nous jetions à travers lui vers un certain avenir ; il faut que nous le reprenions à notre compte pour telle ou telle fin future. C'est un acte de liberté qui décide à chaque fois de son efficacité et même de son sens. Mais il ne sert à rien d'avoir couru le monde, éprouvé les passions les plus fortes, nous serons toujours, quand il le faudra, ce soldat vide et pauvre qui s'en va porter ses lettres à la boîte ; toute solidarité avec notre passé est décrétée dans le présent par notre complaisance. »
Enfin, son obsession de la pensée bourgeoise le poursuit encore et toujours :
« Ce qui m'est le plus désagréable en cette guerre, c'est l'isolement sans solitude. Comme je vois par ailleurs que c'est tout juste l'état de l'ouvrier dans une usine, je conclus que c'est chez moi une répugnance bourgeoise. »
Par leur richesse et leur variété, ces Carnets offrent un contenu très nourrissant et stimulant, qu’alourdissent toutefois hélas de trop longs passages dans lesquels Sartre expose maladroitement les fondements de sa pensée philosophique à venir.
Le texte est judicieusement annoté par Arlette Elkaim-Sartre. ( )
  biche1968 | May 13, 2021 |
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Radical Thinkers (72 - Set 6(12))
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