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Chargement... Le Rouge et le Noir (adaptation)par Stendhal
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Mais lors de cette nouvelle lecture, l’histoire m’est apparue bien différente. J’ai vu ce jeune Julien moins arriviste. Si bien sûr, il est ambitieux, très ambitieux. Son modèle, qui n’est pas loin d’être aussi celui de Stendhal, n’est rien moins que Napoléon et son ascension fulgurante, de simple petit sous-lieutenant en 1785 à empereur en 1804, moins de vingt ans pour gravir tous les échelons. Oui, obscur paysan, insignifiant fils de scieur de bois, Julien Sorel sent qu’il n’est pas de son milieu et, grâce à l’éducation à laquelle il a eu l’immense privilège d’accéder grâce à la bienveillance de l’abbé Chélan qui a su reconnaître dans ce garçon qui a tout le temps la tête dans les livres un esprit brillant. Mais Julien est aussi capable de sentiments, et c’est finalement l’amour des femmes qui le perdra. Certes, je reconnais que cet amour semble naître pour de bien mauvaises raisons, être bien inconstant et que Julien Sorel est capable de manipulation, et ce n’est rien de le dire. Mais même si son amour n’a rien de chevaleresque, même s’il ne peut tomber amoureux que de femmes de la haute société, que de femmes qui lui ouvrent d’une façon ou d’une autre les portes de l’élévation sociales (et c’est d’ailleurs d’avoir voulu aller trop haut et trop vite qui le perdra), c’est plus un fait de sa personnalité et de ses inclinaisons qu’un simple calcul froid et uniquement intéressé.
Mais de savoir tout cela ne m’a pas rendu Julien Sorel plus sympathique. Je le trouve toujours aussi antipathique que lors de ma première lecture, peut-être même plus car si je pouvais comprendre (mais non cautionner) le calcul et l’utilisation des femmes pour parvenir à ses fins, je n’ai pu éprouver que de la répulsion pour cet amour inconstant et qui naît sur des bases tellement vénales.
Alors certes, je peux voir le propos de Stendhal. Cette admiration pour Bonaparte, cette critique d’une société figée dans ses privilèges de classe, cette noblesse et cette bourgeoisie tellement sûres de leur supériorité innée. Mais je ne suis pas certaine que Julien Sorel soit le meilleur personnage pour incarner cette dénonciation. Au contraire, à la place de ces bourgeois et nobles que Julien Sorel veut faire trembler, je trouverais dans ce livre une justification que ces rustauds du peuple ne méritent pas d’avoir accès à l’éducation, car ils en font un bien piètre usage, ils n’ont pas les qualités morales qui leur permettent de faire face aux responsabilités qui accompagnent les positions privilégiées. On pourrait même lire ce livre comme un vibrant appel au conservatisme le plus strict…
Alors certes, je sais gré à Stendhal de ne pas nous avoir infligé un personnage monolithique et plein de bons sentiments, mais cette volonté d’ascension sociale doit-elle nécessairement d’une telle aigreur, d’une telle sécheresse de cœur ? Il y a d’autres exemples littéraires d’hommes qui veulent monter coûte que coûte vers les hautes sphères de la société. Je pense à Rastignac dans Le Père Goriot de Balzac (que je n’ai pas lu, mais s’entendre dire que l’on est un Rastignac n’a jamais été un compliment) ou à Duroy dans Bel-Ami de Maupassant (une autre lecture adolescente), eux aussi bien antipathiques. Je commence à penser que c’est moi qui ai tort et que l’ambition sociale ne peut se passer de l’égoïsme le plus entier. En est-il donc ainsi dans notre belle société d’aujourd’hui comme d’hier ?