Des carnets qui décrivent la guerre sans fard, c'est-à-dire sans reprendre et édulcorer a posteriori. Sans fard, quand on parle de la Première guerre mondiale, c'est assez violent à tout le moins et il faut au départ avoir l'estomac bien accroché pour poursuivre la lecture. Le jeune homme qui tient son journal écrit avec une grande froideur, beaucoup de distanciation, pas seulement par héroïsme et mépris de la mort, mais comme nécessité de survie : il y a des choses qu'il lui faut écrire pour pouvoir les soutenir, des choses qu'il voit et qu'il lui faut décrire pour s'en débarrasser.
Le premier tiers est de ce fait assez sidérant, au sens propre du terme, un texte que j'ai lu avec effroi. Ensuite, le jeune Jünger se fait sinon plus aimable, du moins plus familier : un adolescent sur le front, avec tous les défauts et les qualités d'un adolescent prompt à monter à l'assaut comme à se distraire, avide d'action, inconscient sans doute face au danger — tout ce qui en fin de compte constitue cette qualité pas toujours aisée à définir qu'est le courage.
Une lecture passionnante également sur le plan purement historique, y compris sur l'histoire des mentalités, et peut-être aussi pour ce qui pourrait être la "psychologie" du combattant, de l'homme face à l'extrême violence — subie ou portée. ( )