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Maurice Garçon

Auteur de Journal (1939-1945)

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Quelle mouche m’a piquée pour que je choisisse, pour ma première lecture audio de l’année un tel sujet. (Des considérations purement pratiques, je l’avoue : j’ai décidé de faire un sort aux enregistrements audio que je stocke depuis un bon moment et là, sachant que j’aurais quelques trajets en bus devant moi et que je pourrais écouter celui-là dans un temps acceptable, c’était l’occasion de me lancer).
Je ne peux pas dire que j’ai aimé. Ce n’est pas, je suppose, le genre de lecture pour lequel on peut dire que l’on a eu un coup de cœur, que l’on a adoré… Mais cette lecture m’a passionnée. Ce n’est qu’un extrait, environ cinq heures d’écoute, peut-être trois-cents ou cinq-cents pages sur les mille et quelques que comptent les volumes publiés sous la direction de Maurice Garçon. C’est à la fois trop (les débats, il faut bien l’avouer, tournent en rond et se répètent beaucoup) et trop peu (on voudrait en savoir plus, aller plus loin, creuser encore un peu une idée qui paraît prometteuse, une analyse différente, une anecdote qui permettrait enfin de comprendre). Ce n’est qu’un extrait, donc, mais jamais je n’aurais eu l’idée de lire le texte intégral, ni même de le chercher. Et pour cela, c’est une passionnante découverte que ce texte.
Et je me retrouve, à la fin de cette lecture à presque avoir envie d’écrire une dissertation tant les idées foisonnent, des idées bien difficiles à organiser dans une simple note de lecture. Alors je me lance…

1. Une page d’histoire qu’il est bon de connaître
Le procès de Pétain, c’est une page de l’histoire que l’on tourne souvent un peu trop rapidement, celle de l’immédiate après-guerre, lorsque tout était à reconstruire : l’image de la France, ses institutions, la confiance d’un peuple, l’unité d’une nation. Le procès de Pétain s’inscrit pleinement dans ce contexte, et c’est bien ce que montre ce document, puisque le procès est indissociable des événements récents et en cours en France. Tous les participants ont le sentiment que ce procès n’est pas seulement un acte de la Justice, mais que c’est une étape dans l’histoire du pays.
Dans ce contexte, la façon dont se tient le procès est vraiment intéressante, et je ne me souviens de rien qui mentionne cela dans mes cours d’histoire, à part la logique condamnation finale et la grande clémence qui commue la peine de mort en réclusion à perpétuité. Je ne veux pas ici minimiser les exactions du régime de Vichy, ni le rôle pour le moins contestable du maréchal pendant toute cette période, mais se pencher sur ce procès, c’est s’interroger tout autant sur l’historiographie (pour ne pas dire notre roman national) que sur ce qu’est la justice. En effet, étrange cette composition du jury chargé de rendre un verdict : douze parlementaires parmi ceux qui n’ont pas voté les pleins pouvoirs à Pétain en juillet 1940 et douze parmi des résistants notoires. Pas un jury qui représente la France dans la diversité de ses attitudes pendant ces années sombres, mais un jury qui représente uniquement la France qui a fait un autre choix que celui de Pétain. Représentent-ils véritablement la France, ou bien l’image que la France veut se donner d’elle-même ? Comment penser que ce jury sera neutre de toute pensée politique ? Et puis ces juges, qui eux ont tous prêtés le serment de fidélité au maréchal. Pas tout à fait neutre non plus cela… N’ont-ils pas, eux, au contraire des jurés qui n’ont rien à prouver, des décisions antérieures à se faire pardonner, une certaine fermeté à appliquer pour sceller leurs allégeances nouvelles ?
Toutes ces dispositions, toute cette mise en scène sont donc autant d’interrogations pour celui qui, comme moi, découvre tout cela à travers ce récit. Chacun pourra se faire sa propre opinion, réfléchir à ce que ces choix disent de cette époque. Je n’ai pour ma part pas fini de ruminer tout cela pour me faire

2. Qu’est-ce que rendre la justice ?
Mais de façon plus générale, ce procès pose la question de ce qui est jugé. Est-ce un homme ou est-ce sa politique ? En quoi politique, actes et convictions sont-elles confondues ou disjointes ? Le président de la Haute Cour le dit lui-même à un moment, « nous sommes ici pour juger une politique. » Oui, vraiment ? Et comment juge-t-on une politique sans que nos propres valeurs et idéologies interfèrent ? Ne doit-on donc pas juger des actes ?
Mais là aussi est le problème, cette fois véritablement historique. Les actes de Pétain étaient-ils des actes de collaboration ou non, c’est autour de cela que tourne une grande partie du procès : Pétain a-t-il cru à la défaite de la France et a-t-il pactisé avec l’ennemi, ou bien a-t-il endossé ce rôle pour atténuer les souffrances de l’occupation et même, permettre à de Gaulle de jouer un rôle avec ne sera que l’endroit d’une seule et même médaille dont Pétain serait l’envers. C’est en tout cas un des axes principaux de la défense, avec des paroles écœurantes pour dire que même les Juifs devraient être contents de leur sort parce qu’après tout ils ont eu quelques années de répit en zone libre, et qu’après tout les déportations ont été moindres que dans d’autres pays. Donc oui, même le Juif déporté ne peut pas en vouloir à Pétain, il devrait même lui être reconnaissant. Etrange façon de mettre en balance le malheur des uns et le soulagement des autres, je me demande comment ce raisonnement, s’il a été médiatisé à l’époque, a pu être perçu…

3. Comment lire le passé et faire de l’histoire ?
Une grande partie des débats tourne autour de la question de l’armistice ou de la capitulation en 1940. Les échanges particulièrement vifs entre le général Weygand et Paul Reynaud sont très intéressants. Paul Reynaud, alors président du conseil, démissionne en juin 1940, laissant la voie libre à Pétain et à l’armistice. Etait-ce courage de démissionner pour protester ou était-ce lâcheté, comme le soutient Weygand, de fuir ses responsabilités à un moment tragique et de laisser d’autres les assumer à sa place ? Qu’est-ce que le courage dans ces moments difficiles ? Rester et assumer tout, ou bien partir pour ne pas se salir les mains mais être aussi alors dans l’inaction ? Weygand sera ministre de la guerre de Pétain le temps de préparer et faire signer l’armistice, puis il prendra ses distances, sera même arrêté par la Gestapo, mais sera un défenseur indéfectible de la mémoire du maréchal Pétain dans les décennies suivant la Seconde guerre mondiale.
Leur débat, et plus généralement ce procès, pose aussi la question de savoir comment juger, autant moralement que juridiquement, ceux qui se sont trompés ? Ceux qui ont cru, de bonne foi, que tout espoir était perdu en 1940, et qu’il fallait donc s’accommoder de l’Occupation ? Est-ce un crime que de ne pas avoir de préscience historique et politique ? Est-ce un crime de la part de Pétain, est-ce un crime de la part de ceux qui l’ont cru ?
Car finalement, au terme de ce procès, j’ai l’impression que ce qui est le plus reproché à Pétain, c’est la discordance entre son rôle dans la Première guerre mondiale et son rôle dans la suivante. Parce qu’il était auréolé d’une gloire impossible à mettre en cause, il a été cru lorsqu’il a dit qu’il fallait accepter la défaite, la grande majorité des Français l’a cru et l’a suivi. L’idée sous-jacente est que s’il avait laissé ce rôle à un homme politique plus obscur, le peuple français aurait été moins aveuglé, il y aurait eu plus de résistants, et plus tôt. Facilité de réécrire l’histoire, facilité de mettre sur le dos d’un homme les lâchetés ou les indécisions des autres, et puis tout cela va bien avec la fable du moment de la France résistante. Mais c’est intéressant de voir que ce que l’on reproche à Pétain, plus que d’avoir baissé les bras en 1940, c’est d’avoir été le grand vainqueur de Verdun, ou peut-être plus exactement d’avoir en quelque sorte trainé le souvenir de Verdun dans la boue en devenant ce qu’il a été pendant la collaboration.
Et à côté de cela, la défense fait de lui un héros tragique, pris dans les rais inextricables du destin. Il a fait la promesse de ne pas abandonner les Français. Pris dans ce serment, fidèle à une certaine idée de l’honneur, il ne pourra abandonner son poste et son peuple, immolera sa personne et même sa gloire présente et posthume, afin de respecter sa parole. Très beau, très grandiose, tragique, mais un peu pathétique aussi. Mais la défense fait ce qu’elle peut, c’est comme toujours, il est plus facile de savoir où est le bien et où est le mal une fois que les vainqueurs ont écrit l’histoire.

En guise de conclusion
Action versus opinion, préméditation versus bonne foi. Beaucoup de questions qui restent en suspens, un autre regard sur la période et sur l’homme, sur les responsabilités des uns et des autres. La nation, ou la façon plutôt partiale dont elle est représentée ici a tranché, d’une façon étrange d’ailleurs, en demandant dans une même phrase, dans un même souffle, la peine capitale et la clémence. Pétain reste une énigme, un homme auréolé de la gloire de Verdun et flétri à jamais par la poignée de main de Montoire. Une mémoire écartelée entre deux extrêmes, qui montre qu’être du bon côté n’est jamais une évidence, que c’est une réflexion au quotidien, une réflexion très personnelle.
Une lecture qui m’a passionnée donc, la longueur de cette note de lecture en est le signe. Une lecture à laquelle je reviendrai peut-être même parce que je n’ai pas fini de tirer le fil des mille réflexions qu’elle suscite.
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raton-liseur | Feb 3, 2019 |
Un journal passionnant à plus d'un titre. Tout d'abord parce que Maurice Garçon, de par son statut de grand avocat ou par sa proximité avec l'Académie française était proche du pouvoir et familier de personnalités de premier plan durant la période de la collaboration. Ensuite parce qu'il tient son journal non seulement au jour le jour mais heure par heure. Enfin parce que ce qu'il raconte n'est jamais attendu : le personnage n'est pas sympathique, ses opinions sont très conservatrices, il montre souvent un antisémitisme marqué, il n'aime ni les Anglais ni à De Gaulle ni à bien des aspects la résistance — et pourtant, dès les tous premiers jours de juillet 1940 il a montré une hostilité sans faille à Pétain, à la collaboration en général et aux collaborateurs en particulier. Ses descriptions de la vie à Paris sous l'occupation, ses relations des discussions au Palais ou à l'Académie sont extrêmement vivantes, souvent pleines d'un humour caustique particulièrement noir au vu des circonstances.… (plus d'informations)
 
Signalé
catherinedarley | Jul 10, 2015 |

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