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Driss Chraïbi (1926–2007)

Auteur de La Civilisation, ma Mère !...

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Dis ? mon âme ? où est-elle ? qui est-elle ? que fait-elle ? pourquoi ? en ai-je une ? pourquoi ? qu’est-elle devenue ? a-t-elle grandi, elle aussi ? Pourquoi ? à quoi ressemble-t-elle ? à une gousse d’ail que l’on écrase dans un mortier ou à un balai que l’on remise derrière une porte ? et pourquoi ? Va-t-elle pouvoir un jour chanter, danser, faire résonner ma carcasse comme des claquettes et battre ma peau comme celle d’un tambourin ? Elle est à l’abri depuis toujours, alors qu’elle voudrait avoir froid, je le sais. Oui, froid. Et faim et soif et joie et misère et vie de tout ce qui existe au-delà de cette porte en chêne clouté et qui n’existe pas pour moi, jamais, d’aucune façon, et dont je ne sais presque rien, hormis le ravitaillement dont tu me gaves, les ordres et les modes d’emploi que tu n’as cessé de me donner, la morale dont tu me graisses, les rênes dont tu me brides et les œillères dont tu m’aveugles. Cent fois oui, j’aurais préféré être un de ces va-nus-pieds que tu méprises. J’aurais au moins appris la rugosité de le terre. Savoir la valeur de ma subsistance que j’aurais arrachée au sol, ressentir la chaleur du soleil, les averses croulant sur ma tête nue. Tant de peuples relèvent la tête et acquièrent leur liberté, alors pourquoi pas moi ?
(p. 131, Chapitre 3, Partie 2, “Avoir”).


Il y a quelques jours, je ne connaissais pas Driss Chraïbi, puis j’ai lu une critique qui parlait de ce livre avec beaucoup de tendresse, et parce que je consacre une bonne partie de ce mois de janvier à des auteurs d’Afrique du Nord, j’ai eu envie de me laisser tenter.
Le titre est un peu étrange (et le reste toujours pour moi à la fin de ma lecture), mais reflète bien le livre, dont je ne sais trop que faire. Organisé en deux parties, intitulées « être » et « avoir » et narrée chacune par l’un des fils d’une femme qui est le centre de cette histoire. La première partie se situe dans l’entre deux guerres et décrit la relation tendre d’une mère orpheline et sans éducation mais mariée à un homme riche et puissant avec ses deux enfants, et elle décrit surtout comment ces deux enfants, pourtant bien jeunes, organisent l’émancipation de leur mère, la faisant sortir pour la première fois de la maison, lui faisant découvrir la nature, l’électricité, le cinéma, et toutes les petites joies de la vie. Dans la deuxième partie, qui a lieu sur la fin de la seconde guerre mondiale et le début de la lutte pour l’indépendance, on retrouve cette femme, cette fois avec un seul de ses fils, l’autre étant parti en France poursuivre ses études. Elle a gagné en confiance, a suivi des cours, et est bien décidée à participer à la marche de son pays et à transmettre ce qu’elle a appris et ce qu’elle a compris.

Après ce long prologue, je ne suis pas certaine de savoir quoi faire de ce livre. J’hésite sur sa signification. Le personnage de la mère ne me paraît pas du tout crédible (cette femme sans aucune éducation et qui tout d’un coup s’émancipe au point de créer une sorte de mouvement féministe qui ne dit pas son nom), les personnages qui l’entourent non plus, que ce soient ses enfants (quelles sont leurs motivations pour devenir ainsi les pygmalions de leur mère, où en ont-ils eu l’idée ?…) ou son mari (qui semble accepter tous les changements de sa femme et de son foyer, sans presque rien dire sauf un tout petit peu, au début, pour la forme).
Ce que je dis n’est pas tout à fait vrai. La première partie est plutôt agréable à lire, et plutôt belle. Cette femme qui découvre la modernité (« la civilisation » comme dit le titre) et qui tente de l’apprivoiser avec les moyens dont elle dispose. La radio, le fer à repasser, le téléphone, le cinéma… Et encore plus beau, la première sortie de cette femme qui, à trente ans passés, s’assoie pour la première fois dans l’herbe d’un parc… Mais la deuxième partie perd toute cette fraîcheur, et devient assez peu crédible. Je ne peux que penser que le livre prend un tour allégorique, mais je n’ai pas réussi à comprendre cette allégorie, ni à apprécier ce que le livre devenait. Est-ce une parabole du Maroc, ou plutôt du Maroc tel que Driss Chraïbi l’aurait rêvé ?
Une lecture en demi-teinte, donc. Une très belle première partie, pleine de tendresse, d’émerveillement enfantin, de fraîcheur et de sourires, mais une deuxième partie qui m’a déroutée et sur laquelle je n’ai pas voulu m’appesantir.
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raton-liseur | 5 autres critiques | Feb 3, 2023 |
Quel bel hommage aux femmes! Selon le récit de deux frères, Chraïbi décrit l'épanouissement d'une femme à cheval entre deux époques, l'ancestrale et la moderne. C'est un roman lumineux qui reflète toutes les qualités d'une jeune mère : l'imagination, la curiosité, la bonté, la tendresse, la découverte. Le lecteur découvre toutes ces émotions grâce au cadeau suprême que lui font ses fils : la liberté, physique, émotionnelle, intellectuelle.
C'est aussi, bien sûr, une allégorie entre le Maroc colonialiste et le Maroc indépendant, mais tout est subtil et jamais rabâcheur.
J'ai adoré cette courte histoire fine, généreuse, ensoleillée où la peur et l'incertitude est balayée par par le courage et l'optimisme.
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½
 
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Cecilturtle | 5 autres critiques | Jan 8, 2023 |
> Babelio : https://www.babelio.com/livres/Chraibi-Une-enquete-au-pays/128845

> Un bon roman policier, mais aussi cette enquête n'est en fait qu'un prétexte visant à dresser l'état des lieux du Maroc de l'époque, et notamment des relations entre ses classes sociales, entre les nouveaux dirigeants - qui ont gravi les échelons des administrations alors que le pays recouvrait son indépendance - et leurs subordonnés. Très intéressant.
Danieljean (Babelio)
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Joop-le-philosophe | 2 autres critiques | Feb 18, 2021 |
Deux fils racontent leur mère, à laquelle ils vouent un merveilleux amour. Le plus jeune d'abord, dans le Maroc des années 30. Menue, fragile, gardienne des traditions, elle est saisie dans des gestes ancestraux, et vit à un rythme lent, foetal. Radio, cinéma, fer à repasser, téléphone deviennent des objets magiques, prétexte d'un haut comique. Puis Nagib, le frère aîné, prend le relais. Durant les années de guerre, la mère s'intéresse au conflit, adhère aux mouvements de libération des femmes et, globalement, de son peuple et du Tiers Monde. Elle en est même le chantre. Elle sait conduire, s'habille à l'européenne, réussit tous ses examens. Elle est toujours semblable : simple et pure, drôle, et toujours tendre.… (plus d'informations)
 
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AFNO | 5 autres critiques | Mar 15, 2017 |

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