Raton-Liseur - Défi de lecture « Récits de voyages » (2012-2013)

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Raton-Liseur - Défi de lecture « Récits de voyages » (2012-2013)

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1raton-liseur
Juin 14, 2012, 11:38 pm

Au détour d’une navigation internet, j’ai découvert il y a quelques jours le défi de lecture lancé par chinouk et intitulé « Challenge Récit de Voyage ». Ce genre littéraire me plait beaucoup mais je me faisais la réflexion il y a peu que je l’ai délaissé ces derniers temps. Ce défi tombe donc à point nommé et sera une bonne façon de renouer avec le genre. Ni une ni deux, je me suis inscrite dans la catégorie la plus ambitieuse, « Explorateur » !
Ce sera mon premier défi de lecture, et je suis donc curieuse de voir comment il se déroulera. Ce sera une bonne expérience avant ce défi que je voudrais me lancer à moi-même un jour, qui serait de lire un livre de chaque pays du monde. Mais là, l’ampleur de la tâche me fait reculer. A voir après avoir tiré les enseignements de ce galop d’essai !



Voici les consignes du défi telles que données par Chinouk :
« Les récits de voyage, moi j'adore ! c'est d'ailleurs mon style de lecture préféré.
C'est pourquoi j'aimerai vous faire découvrir ce style de lecture, pas très courant je trouve sur les forums.

3 Catégories :
Randonneur : 2 livres à livre
Baroudeur : 5 livres à lire
Explorateur : 10 livres à lire

Puisque le récit de voyage est une lecture qui se déguste, la date de fin est Décembre 2013. »

Nous sommes déjà 10 inscrits, 2 comme explorateurs, 5 baroudeurs et 3 randonneurs. Si l’envie vous prend de vouloir participer, plus on est de fous plus on lit, donc n’hésitez pas, le lien est ici !

Comme les participants ont plus de 18 mois pour relever ce défi, je me suis dit que j’aimerais bien compliquer un peu les règles, en passant par tous les océans et tous les continents ! Pour lire les 10 livres de la catégorie « explorateur », je devrai donc voyager sur les 6 continents (Afrique, Amérique, Antarctique, Asie, Europe et Océanie) et les 4 océans (Atlantique, Arctique, Indien, Pacifique).
(On parle aussi de l’océan austral, mais je le connais plus sous le nom de « mers australes », et je considère le continent antarctique comme représentant la région australe, tant terrestre que maritime. Une petite entorse à la géographie, mais il me faut arriver à 10, d’une façon ou d’une autre !).

2raton-liseur
Modifié : Jan 17, 2014, 12:34 pm



Les 6 Continents :
Afrique -
Amérique - En vol d’Alan Tennant (note de lecture)
Antarctique - Quinze mois dans l’Antarctique - L'Expédition de la Belgica (1897-1899) d’Adrien de Gerlache de Gomery (note de lecture)
Asie - Oasis interdites d’Ella Maillart (note de lecture et une digression)
Europe - Voyage avec un âne dans les Cévennes de Robert Louis Stevenson (note de lecture et une digression)
Océanie -

Les 4 Océans :
Océan Atlantique - Naufragé volontaire d’Alain Bombard (note de lecture)
Océan Arctique -
Océan Indien -
Océan Pacifique -

Flâneries en chemin :
Je recense dans cette catégorie d’autres récits de voyage que je pourrais lire pendant que dure ce défi de lecture, et que je ne comptabilise pas dans le défi, car ce sont des continents ou des océans déjà visités et dans lesquels je me prends à musarder.
Asie - Dans les sables du Taklamakan de Sven Hedin (note de lecture)
Asie - Madame Chrysanthème de Pierre Loti (note de lecture)
Europe - Une ascension au Mont Ventoux de Jean-Henri Fabre (note de lecture)
Europe - Un beau matin d’été de Laurie Lee (note de lecture)

3Louve_de_mer
Juin 15, 2012, 2:26 am

C'est tentant !

4raton-liseur
Juin 15, 2012, 7:47 am

Laisse-toi tenter… Ça serait chouette de te compter parmi nous !

5LolaWalser
Modifié : Juin 15, 2012, 11:55 am

Bonjour, j'aime beaucoup les récits de voyage, mais à present je ne trouve pas le temps pour un défi de lecture (dommage pour moi, j'ai tellement des livres d'aventure, et de voyageurs français de plus, Pierre Loti, Segalen, Leiris, Michaux, Nicolas Bouvier...) Tout de même, comme j'ai remarqué votre préférence (qui est aussi la mienne) pour les lectures "d'avant 1950", je voudrais au moins vous signaler Kabloona de Gontran de Poncins, de 1940, qui m'a émerveillé recemment, et qui mérite de trouver de nouveaux lecteurs. C'est le récit de son séjour dans l'Arctique canadien et de son habilitation à la vie "primitive", dure mais pleine de charme.

6Louve_de_mer
Modifié : Juin 15, 2012, 2:38 pm

> 4
Il y a quelques jours j'ai eu très envie d'acheter 1421, l'année où la Chine a découvert l'Amérique (je vois que tu l'as, l'as-tu déjà lu ?). N'ayant aucune raison de le faire sinon ma curiosité, je l'ai laissé sur les rayons de la librairie. Si je participe à ce défi, ça change tout... mais est-ce bien raisonnable ?
Je me laisse quelques jours pour réfléchir.

7raton-liseur
Modifié : Juin 18, 2012, 4:27 pm

# 6 - Mais lire est-il bien raisonnable, Cathcartes… ???
Je n’ai pas encore lu 1421, mais Monsieur Raton l’a lu et l’a trouvé très intéressant : récit d’une recherche historique par un passionné, et une page de l’histoire aussi passée sous silence et fascinante que la découverte de l’Amérique par les Vikings !

# 5 - Merci pour la recommandation. L’Arctique manque à mon tour du monde (de même que l’Antarctique et l’Océan Indien), donc c’est une idée à creuser. LolaWalser, tu peux nous rejoindre pour 2 ou 5 livres (avant décembre 2013) si tu veux. Ce serait bien que je ne sois pas la seule de ce côté-ci de l’Atlantique !

8LolaWalser
Juin 15, 2012, 7:41 pm

Dans ce cas, il se peut bien que je lise encore quelques titres convenables a ce défi, je vous tiendrai au courant. (J'hésite de lancer un nouveau fil parce que je ne me suis pas acquittée bien dans le passé... )

Je pense que je lirai Segalen ensuite, un de ses livres chinois de préférence. Et après, Bouvier sur le Japon.

9raton-liseur
Juin 18, 2012, 6:21 pm

# 8 - Je connais surtout des romans de Segalen, mais j’ai lu Lettres de Chine il y a bien longtemps, et j’avais bien aimé, c’était ma première rencontre avec Segalen.

10raton-liseur
Modifié : Juin 29, 2012, 1:31 pm

Une phrase relevée dimanche dernier et qui m’a fait sourire car elle semble être comme un avertissement au seuil du défi de lecture dans lequel je viens de me lancer !… Elle est tirée de Du bon usage des étoiles de Dominique Fortier (p. 165, “18 septembre 1846, 69° 6’N, 102° 23 O, 17° F”, Partie 2, “Les Voiles” ; note de lecture disponible ici) et est attribuée à John Franklin, explorateur de l’Arctique, connu comme « l’homme qui a mangé ses souliers ».
« Vous n’avez pas, mon cher Crozier, l’habitude de ces récits de voyage. Sachez donc que si l’essentiel de ce qu’on y raconte est vrai, il arrive que l’on éprouve le besoin d’enjoliver quelque peu les évènements, ou alors de les faire paraître plus terribles qu’ils ne le sont en réalité. Moi-même, qui suis pourtant d’une grande rigueur, à l’occasion, j’ai dû… »

11raton-liseur
Modifié : Juil 2, 2012, 7:44 pm

1. Oasis interdites - Ella Maillart
Depuis six mois, j’ai souvent eu l’impression de me trouver sur une planète différente, et je suis, à vrais dire, comme rayée déjà du reste du monde ; ma famille, mes amis ont appris à se passer de moi ; mon éloignement, mon isolement m’ont enseigné enfin que je suis inutile à l’« ordre des choses » !
Oui, c’est certain, mais ce qui importe, c’est moi, qui vis au centre du monde. Ce moi qui n’a pas encore eu le temps d’accomplir quelque chose de valable, quelque chose qui me prolonge, me sauve du néant et satisfasse – ne serait-ce que petitement – à ce goût de l’éternel qui m’habite.
Mais, pour le satisfaire, quel bizarre moyen je prends en faisant vingt-cinq kilomètres par jour pendant des mois… Une fois de plus, comme au cours des nombreuses heures vides de ce voyage, je me demande ce qui me pousse vers les quatre coins du monde ? Oui, je sais, je veux voir toujours du nouveau et je répète avec le poète :

Mais les vrais voyageurs sont ceux-là seuls qui partent
Pour partir ; cœurs légers, semblables aux ballons,
De leur fatalité jamais ils ne s’écartent,
Et, sans savoir pourquoi, disent toujours : Allons !

mais ce n’est là qu’un effet ; quelle est la cause de cette curiosité qui m’éperonne, de ce besoin de voir, de comprendre ? Est-ce que je ne fais que dresser des difficultés devant moi pour avoir le plaisir de les surmonter ? D’où viennent les attractions auxquelles je me soumets aveuglément et qui décident pour moi ?
(p. 280-281, Chapitre 14, “Au Pamir”, Partie 2, “L’imprévu”).
Ella Maillart est comme une icône du récit de voyage, mais j’ai toujours hésité à la lire, ne comprenant pas bien le mélange de ses exploits sportifs et de ses voyages. Suite à un portrait que je qualifierais d’attachant et de lumineux dans l’émission hélas maintenant disparue « Partir avec… » de Stéphanie Duncan (que j’ai déjà cité à plusieurs reprises comme inspiration pour des lectures), je me suis finalement décidée à franchir le pas.
Je ne m’étais guère trompée, et je ne sais toujours pas pourquoi Ella Maillart entreprend ses voyages. Que cherche-t-elle ? L’amour du risque et de l’interdit, la difficulté et le dépassement de soi ? Ce livre est à l’image du bercement monotone du cheval sur le dos duquel elle parcourt tant de kilomètres d’un interminable désert. On y apprend finalement peu de choses sur les zones traversées, hormis quelques anecdotes assez insignifiantes sur les conditions du voyage et les démêlés avec l’administration.
Pourtant, étrangement, j’ai lu ces quelques trois cent pages de longues chevauchées avec plaisir, emportée par les pas des chevaux et des ânes successifs qu’Ella Maillart monte, ou mettant mes pas dans ses pas qui font s’ébouler les dunes de sable ou de rocs. Je ne sais comment, dans ce texte qui égraine les jours et les heures monotones, Ella Maillart réussit à transmettre son bonheur d’être à sa tâche quotidienne, heureuse des efforts et de la fatigue physique. Rien ne résume mieux cette apparente contradiction que la juxtaposition de ces deux phrases qui décrivent ce voyage :
Fatigue intense… Une fois encore, il ne s’agit plus que de durer, de tuer une heure, et puis une encore. (p. 186, Chapitre 5, “Adam djok ! Adam bar ?”, Partie 2, “L’imprévu”).

Je suis toute à la curiosité de cet avenir incertain, au sentiment d’être délivrée désormais des obstacles des hommes ; toute à la joie de sentir que chaque jour, maintenant, sera neuf, et qu’aucun ne se présentera deux fois ; toute à mon application de n’observer plus qu’une seule règle :celle de marcher droit devant moi. (p. 85, Chapitre 9, “Far-West chinois”, Partie 1).
Peut-être ai-je aimé ce livre parce que j’y ai trouvé l’écho à d’autres lectures. Il a notamment rendu plus proche les nouvelles de Yasushi Inoue dans Lou-Lan, il m’a fait recroisé diverses figures déjà croisés dans Bouddhas et rôdeurs sur la Route de la Soie de Peter Hopkirk, en particulier Sven Hedin, dont deux livres m’attendent sur mes étagères. Peut-être l’ai-je aimé parce que tout comme moi Ella Maillart ne peux s’empêcher de faire des parallèles saugrenus, ici entre les paysages traversés et certains souvenirs de sa Suisse natale ou (plus justifiés) de ses voyages précédents.
Je l’ai aimé probablement parce que, par petites touches à peine évoquées, Ella Maillart donne une vision de la vie et du bonheur qui font écho à mes propres préoccupations, à mes interrogations et à mes contradictions. Parce qu’elle cherche le bonheur dans les creux des dunes et dans les sommets enneigés, et parce qu’elle ne trouve qu’elle-même au bout du chemin.
Le bonheur le voilà : cette ivresse que crée un instant d’équilibre entre un passé qui nous satisfait et un avenir immédiat riche de promesses. (…) Un fou rire de gamine s’empare de moi tandis que je bourre les côtes de Peter de coups de coude, incapable d’exprimer autrement la joie qui bouillonne en moi. (p. 262, Chapitre 12, “En Kachgarie”, Partie 2, “L’imprévu”).

12raton-liseur
Modifié : Juil 2, 2012, 7:45 pm

Ella Maillart, dans Oasis interdites (p. 281, Chapitre 14, “Au Pamir”, Partie 2, “L’imprévu”), s’interrogeant sur ce qui la pousse à se lancer dans ces voyages cite Baudelaire :
Mais les vrais voyageurs sont ceux-là seuls qui partent
Pour partir ; cœurs légers, semblables aux ballons,
De leur fatalité jamais ils ne s’écartent,
Et, sans savoir pourquoi, disent toujours : Allons !
Une citation qui donne une Image peut-être positive du voyageur qui va toujours de l’avant et qui fait écho à l’image qu’Ella Maillart donne d’elle-même ailleurs dans ce même livre :
Je suis toute à la curiosité de cet avenir incertain, au sentiment d’être délivrée désormais des obstacles des hommes ; toute à la joie de sentir que chaque jour, maintenant, sera neuf, et qu’aucun ne se présentera deux fois ; toute à mon application de n’observer plus qu’une seule règle :celle de marcher droit devant moi. (p. 85, Chapitre 9, “Far-West chinois”, Partie 1).
Mais cet extrait n’est-il pas un leurre ? Elle se contente de rappeler une des premières strophes de ce poème merveilleux, un de ceux que je préfère, de Baudelaire, Le Voyage (vers 17 à 20, poème CXXVI des Fleurs du Mal), mais n’en cite pas la source et surtout s’abstient de relever qu’il clôt la partie de ce recueil intitulée La Mort, et qu’il devient de plus en plus désespéré au fil des vers, montrant le voyage non plus comme un mouvement positif vers l’ailleurs, mais comme une fuite en avant :
Faut-il partir ? rester ? Si tu peux rester, reste ;
Pars, s’il le faut.
(vers 113-114).
Et finalement le voyageur n’est que celui qui ne trouve que ce moyen pour fuir l’ennui, l’inutilité peut-être, de la vie. Et seul l’ultime voyage compte, comme le proclament les deux derniers terribles vers de ce poème (vers 143-144) :
Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu’importe ?
Au fond de l’Inconnu pour trouver du
nouveau !
Est-ce aussi, finalement, la motivation inavouée d’Ella Maillart ? C’est ce à quoi on peut penser lorsqu’on a l’impression qu’Ella Maillart cherche la difficulté dans ses voyages comme pour mettre devant elle des obstacles à franchir, qui sont autant de moyens d’occuper l’esprit et de le détourner des questions plus vertigineuses qu’évoque Baudelaire. C’est ce que l’on peut peut-être lire entre les lignes de ce livre, quand Ella Maillart évoque son bonheur d’être à sa tâche quotidienne, heureuse de cette vie simple, heureuse peut-être que l’effort physique mobilise tous ses muscles, que la route interminable obnubile son esprit, exactement comme Baudelaire le décrit dans ce poème.
Suis-je si loin de la vérité, suis-je en train de trop lire entre les lignes ? Je ne sais et je préfère arrêter là une digression qui va peut-être bien au-delà de la pensée d’Ella Maillart, mais qui va me poursuivre durant quelques temps, et qui me fait dire que je reprendrai la route ou la mer avec Ella Maillart, parce que nous partirons, il le faut.

13raton-liseur
Juil 2, 2012, 3:15 pm

2. Voyage avec un âne dans les Cévennes - Robert Louis Stevenson
Quant à moi, je voyage non pour aller quelque part, mais pour marcher. Je voyage pour le plaisir de voyager. L’important est de bouger, d’éprouver de plus près les nécessités et les embarras de la vie, de quitter le lit douillet de la civilisation, de sentir sous mes pieds le granit terrestre et les silex épars avec leurs coupants. Hélas ! tandis que nous avançons dans l’existence et sommes plus préoccupés de nos petits égoïsmes, même un jour de congé est une chose qui requiert de la peine. Toutefois, un ballot à maintenir sur un bât contre un coup de vent venu du nord glacial n’est point une activité de qualité, mais elle n’en contribue pas moins à occuper et à former le caractère. Et lorsque le présent montre tant d’exigences, qui peut se soucier du futur ? (p. 47, Chapitre 2, “Cheylard et Luc”, Partie 2, “Le Haut Gévaudan”).
J’avais une tendresse pour Modestine bien avant d’ouvrir ce livre (notre dame oiseau s’appelait ainsi il y a quelques années, du fait de son plumage gris et de son caractère réservé. Monsieur son mari, vantard et n’ayant pas froid aux yeux, avait hérité du nom de Stanley), mais je fus un peu déçue en commençant ma lecture par la consultation de la carte du parcours de Stevenson. A peine deux semaines de voyage ? Tout juste 230 kilomètres, parcourus du 22 septembre au 4 octobre 1878, en suivant la route du Monastier à Saint-Jean-du-Gard. Est-ce bien un voyage, ou tout au plus une promenade (connue aujourd’hui sous le nom de « chemin de Stevenson » et balisée du rouge et blanc caractéristique des sentiers de grande randonnée) ? Et pauvre Modestine, à laquelle Stevenson ne donne pas le beau rôle alors que sans son aide et sans sa patience envers son ânier pas même novice, notre randonneur ne serait pas allé bien loin… Mais cette injustice est finalement compensée par l’autodérision dont Stevenson ne se prive pas.
Ce livre est aussi l’occasion de descriptions intéressantes sur les paysages traversés, l’accueil souvent méfiant qui est reçu, et sur les évènements historiques marquants, en particulier la révolte des Camisards. Malgré son parti-pris de protestant écossais et cette étrange façon de lier les spécificités physiques d’une région avec le physique et la mentalité des habitants (une pratique courante à l’époque il est vrai), la lecture de ce petit ouvrage reste divertissante, et est un témoignage intéressant sur son époque et les mutations à venir.
Mes parties préférées sont probablement celles des descriptions des nuits à la belle étoile, qui m’ont donné envie de mettre mon sac sur mon dos et d’aller planter ma tente dans des bois qui n’existent probablement plus. Voyageur de son époque, intrépide sans jouer au héros, Stevenson n’a certes pas une plume merveilleuse (je me souviens que Dans les Mers du Sud m’était tombé des mains il y a quelques années, mais peut-être faudrait-il que je m’y essaie à nouveau) mais il met des fourmis dans les jambes, et c’est plutôt un bon critère pour mesurer la réussite d’un récit de voyage !

14raton-liseur
Modifié : Juil 2, 2012, 5:56 pm

Lorsque Stevenson entreprend sa randonnée dans les Cévennes, en 1878, il n’en est pas à son coup d’essai, il a déjà arpenté de nombreux chemins d’Ecosse notamment, et a même écrit quelques années plus tôt une apologie de la marche sous le titre de Walking tours (à ma connaissance non traduit en français et que l’on pourrait intituler « Randonnées »). Mais pourquoi l’on peut se demander pourquoi un Ecossais vient-il, à la fin du XIXème siècle, s’égarer dans les Cévennes ?
D’après ce que j’ai lu à droite et à gauche, cet exil volontaire est dû à un échec amoureux (temporaire puisque Fanny reviendra, divorcée, prête à devenir la célèbre Fanny Stevenson et prête à s’embarquer dans d’autres voyages). Les Cévennes étaient une façon de se changer les idées (encore une fois, le besoin irrépressible « du nouveau » décrit par Baudelaire) et l’idée viendrait d’un roman de George Sand, Le marquis de Villemer, que Stevenson avait lu et apprécié peu avant (ou plus vraisemblablement d’une fascination pour les Camisards, équivalents, au yeux de Stevenson, des Covenanters de son Ecosse natale. Source Wikipédia).

Stevenson fait partie de ces fils de bonne famille qui ne peuvent se résoudre à rentrer dans le rang, de ceux qui croient que les rêves peuvent façonner leur réalité. J’ai toujours aimé ces personnages qui, pour paraphraser Mark Twain, « l’ont fait parce que personne ne leur avait dit que c’était impossible ».
Le besoin de voyager de Stevenson, du moins tel qu’il le décrit dans ce récit, m’a par bien des aspects rappelé Ella Maillart, lue quelques semaines plus tôt. C’est la même volonté d’emplir le présent de paysages, de nouveau, d’effort physique, comme pour occuper le cerveau et éviter de se poser des questions plus métaphysiques qui donnent le vertige.
Toutefois, un ballot à maintenir sur un bât contre un coup de vent venu du nord glacial n’est point une activité de qualité, mais elle n’en contribue pas moins à occuper et à former le caractère. Et lorsque le présent montre tant d’exigences, qui peut se soucier du futur ? (p. 47, Chapitre 2, “Cheylard et Luc”, Partie 2, “Le Haut Gévaudan”).
Stevenson ne cherche pas l’exploit physique, ni l’extrême exotisme (du moins pas encore), et il est heureux de la simplicité de son voyage.
Là-dessus, je me secouai, enfilai une fois de plus mes chaussures et mes guêtres puis, rompant ce qui restait de pain pour Modestine, je fis un tour d’horizon, afin de savoir dans quelle partie de l’univers je venais de m’éveiller. Ulysse, échoué en Ithaque et l’esprit en proie à la déesse, ne s’était point plus agréablement fourvoyé. J’avais cherché une aventure durant ma vie entière, une simple aventure sans passion, telle qu’il en arrive tous les jours et à d’héroïques voyageurs et me trouver ainsi, un beau matin, par hasard, à la corne d’un bois du Gévaudan, ignorant du nord comme du sud, aussi étranger à ce qui m’entourait que le premier homme sur la terre, continent perdu – c’était trouver réalisée une part de mes rêves quotidiens. (p. 42, Chapitre 1, “Campement dans l’obscurité”, Partie 2, “Le Haut Gévaudan”).
Les paysages ne lui plaisent pas toujours, ni les gens, encore marqué par son milieu il s’empêtre dans des considérations religieuses peu étayées, mais il profite de la simplicité de l’instant, heureux d’être où il est, goûtant la solitude et les nuits à la belle étoile, douce expression qu’il cite en français dans le texte tant elle lui paraît décrire au plus juste ce qu’il aime de ce voyage.
La nuit est un temps de mortelle monotonie sous un toit ; en plein air, par contre, elle s’écoule, légère, parmi les astres et la rosée et les parfums. Les heures y sont marquées par les changements sur le visage de la nature. (…)
La nuit entière [qui dort en plein champ] peut entendre la nature respirer à souffles profonds et libres. Même, lorsqu’elle se repose, elle remue et sourit et il y a une heure émouvante ignorée par ceux qui habitent les maisons : lorsqu’une impression de réveil passe au large sur l’hémisphère endormi et qu’au-dehors tout le reste du monde se lève. (…) Le bétail s’éveille dans les prés ; les moutons déjeunent dans la rosée au versant des collines et se meuvent parmi les fougères, vers un nouveau pâturage. Et les chemineaux qui se sont couchés avec les poules ouvrent leurs yeux embrumés et contemplent la magnificence de la nuit.
(p. 76-77, Chapitre 2, “Une nuit dans la pineraie”, Partie 4, “Encore le Haut Gévaudan”).
Ce chemin mythique est aujourd’hui un chemin de grande randonnée et certains veulent voir en Stevenson, qui se fait faire pour l’occasion une sorte de sac de couchage, un pionnier du camping. Je ne sais si l’on peut aller jusque-là et je ne veux pas faire porter des paternités trop lourdes, mais j’ai aimé la simplicité avec laquelle Stevenson envisage sa petite aventure, digne d’un document littéraire certes, mais toute simple et ne donnant lieu à aucune gloriole.
Le commerçant s’intéressa beaucoup à mon voyage. Il pensait dangereux de dormir en rase campagne. (…)
Je lui répondis que je n’avais point peur de tels accidents et que, en tout cas, j’estimais peu sage de s’attarder à ces craintes et d’attacher de l’importance à de menus risques dans l’organisation de la vie. La vie en soi était au moins aussi dangereuse qu’un loup et qu’il n’y avait pas lieu de prêter attention à chaque circonstance additionnelle de l’existence. Il pourrait se produire, dis-je, une rupture dans votre organisme tous les jours de la semaine. Et c’en serait fini de vous, même si vous étiez enfermé dans votre chambre à triple tour de clef.
(p. 118, Chapitre 6, “Le cœur de la contrée”, Partie 5, “Le Pays des Camisards”).
En somme, en choisissant ce chemin plutôt qu’un autre, en partant sur les routes pour le simple plaisir de les arpenter et de passer d’un lieu à un autre, curieux mais sans exagération, Stevenson dit seulement qu’il vaut mieux vivre sa vie que la subir. Et, comme lui qui avance chaque jour, il est temps que je reprenne à mon compte ces mots en saluant Stevenson et Modestine :
Je quittai d’abord l’un puis l’autre, avec un regret nullement feint, pourtant avec la joie du voyageur qui secoue la poussière d’une étape avant de s’élancer vers une autre. (p. 72, Chapitre 1, “A travers le goulet”, Partie 4, “Encore le Haut Gévaudan”).

15raton-liseur
Modifié : Juil 2, 2012, 7:33 pm

Flânerie - Dans les sables du Taklamakan - Sven Hedin
Du sommet d’une dune, encore une fois nous examinons avec attention l’horizon. Pas la moindre tache sombre dans cette immensité jaune ! Pas un tamaris en vue ! Toujours la mer de sable infinie, gonflée de hautes ondulations rigides. (p. 58, Chapitre 2, “A travers le Taklamakan. (…)”).

De tous les côtés, de la surface ondulée du désert émergent des vestiges d’habitations admirablement conservés. Nous avançons, et d’autres ruines apparaissent encore. Les mythes légendaires des indigènes deviennent une réalité ; un passé vieux de dix siècles renaît devant nous. (p. 112-113, Chapitre 5, “Seconde traversée du Taklamakan. (…)”).
J’ai croisé Sven Hedin à plusieurs reprises dans mes lectures, d’abord dans Bouddhas et rôdeurs sur la Route de la Soie de Peter Hopkirk, et plus récemment dans Oasis interdites d’Ella Maillart. Il était donc temps, je suppose, d’ouvrir un des deux livres de lui qui dormaient dans ma bibliothèque, comme enfouis sous le sable.
Même si l’édition de Dans les sables du Taklamakan, belle au premier abord ne m’a pas trop plu (mise en page avec des pages et des lignes trop courtes, mais surtout c’est l’extrait d’un autre livre, et cela n’est pas annoncé clairement, ce qui m’a beaucoup déplu puisque je n’aime guère acheter des extraits et que j’ai eu l’impression de m’être fait avoir), j’ai découvert un personnage curieux de tout, qui manie la plume avec brio, rendant tout (les paysages et le système hydrographique, les découvertes archéologiques et les animaux) passionnant, et faisant regretter la rapidité de ce récit. Homme boulimique de kilomètres et de connaissances, Sven Hedin est aujourd’hui tombé dans l’oubli suite à ses accointances lors de la seconde guerre mondiale. Mais nous sommes ici bien avant ces funestes évènements, et Sven Hedin emporte le lecteur dans les tempêtes de sable et dans les premières apparitions des mythiques villes englouties du désert du Taklamakan, notamment celle de Loulan, dont il sera le principal découvreur. C’est ma première chevauchée avec cet explorateur infatigable, et ce ne sera certainement pas la dernière puisqu’il arpenta presque continuellement les paysages d’Asie Centrale pendant les deux décennies qui entourent l’année 1900. Il eut beau failli mourir de soif dans ce désert (dont d’après certains le nom signifierait « une fois dedans, plus jamais dehors »), un épisode relaté dans ce recueil, il n’en repartit pas moins, toujours plus loin à la recherche de nouvelles montagnes ou de sources de fleuves mythiques, faisant retentir à nos oreilles des mots magiques, Taklamakan bien-sûr, mais aussi Brahmapoutre, Bassin du Tarim...

16raton-liseur
Juil 2, 2012, 7:34 pm

Une phrase relevée dans la préface de François Graveline au livre de Sven Hedin, Dans les sables du Taklamakan (p. 3-4). Elle donne peut-être une clef pour comprendre l’attrait irraisonné de certains lecteurs pour tels ou tels récits de voyage…
Pour l’Européen, chaque point cardinal possède un tropisme propre. L’ouest a valeur de rupture et de recommencements, c’est « l’ouest au-delà des mers » qui dicte leurs conquêtes aux Vikings, conquistadors et autres cow-boys. Le nord a pour figure le Grand Nord, l’Hyperborée des Anciens, Age d’Or en état d’hibernation quand le sud exprime, comme un printemps sacré, la vitalité toujours recommencée du monde. L’est demeure l’Orient, une origine : le levant des peuples déferlant à travers les steppes et les plaines, la source d’un fleuve d’hommes et de langues qui a l’Europe pour delta.

17raton-liseur
Oct 4, 2012, 3:40 pm

3. Naufragé volontaire - Alain Bombard
En 1952, contre l’avis de beaucoup, Alain Bombard décide de démontrer l’impensable. Lors d’un naufrage, la mort n’est pas une fatalité. On peut même traverser l’Atlantique sur un canot en caoutchouc, en ne se nourrissant que de ce que la mer veut bien donner.
Alain Bombard part à du bien nommé Hérétique en Méditerranée d’abord, avec un compagnon de voyage, traversée pendant laquelle il démontre que, au mépris de tous les tabous et de toutes les idées reçues, l’on peut consommer de l’eau de mer pendant plusieurs jours pour éviter la déshydratation. Il continue seul dans l’Atlantique, qu’il traverse en 65 jours, ne se nourrissant que des poissons qu’il pêche, et ne buvant que l’eau des poissons ou l’eau de pluie.

Le livre est un témoignage écrit à chaud, où Bombard a un peu trop tendance à régler ses comptes avec les oiseaux de mauvais augure qui ne l’ont pas soutenu inconditionnellement. Je passerai sur le caractère un peu entier du personnage, probablement nécessaire pour entreprendre ce type de voyage, et je ne m’attarderai pas sur les qualités littéraires tout à fait discutables de ce récit.
En effet, on ne lit pas ce type de témoignage pour lire de la grande littérature, et, alors que je relis ce livre après une première lecture il y a près de vingt ans, je me dis que ce livre, écrit il y a presque 60 ans maintenant, et même si les développements technologiques récents ont rendu certaines des recommandations de Bombard caduques, est extrêmement intéressant. Lors de ma première lecture, il a changé ma vision de la survie en mer, j’en avais retenu que l’eau de mer n’était pas toxique, bien au contraire, et que le plancton (pour peu que l’on ait une ancre flottante) est une source alimentaire de première importance (la solution contre le scorbut était à portée de main, littéralement, des voiliers au long cours, et ils ne l’ont jamais su, quelle ironie rétrospective…). Avec cette deuxième lecture, j’ai revu la théorie et, même si j’espère n’en avoir jamais besoin, j’ai l’impression d’avoir quelques bases pour affronter cette situation ! Reste que le moral est déterminant, comme le montre bien Alain Bombard (il faut vouloir prouver que l’on a raison seul contre tous comme lui ou nourrir une rage sans borne comme le capitaine de la Bounty pour survivre à une longue période en mer sans secours, est-ce possible dans un cas de naufrage « normal » ?), et cela est du ressort de chacun.
Une lecture fascinante, pour le témoignage qu’elle constitue et les interrogations qu’elle suscite, cachée sous une couverture très belle et très appropriée de la réédition par Phébus.

18raton-liseur
Modifié : Déc 17, 2012, 3:25 pm

Flânerie - Madame Chrysanthème - Pierre Loti
Pierre Loti n’est pas seulement l’auteur qui a construit la légende romantique des Pêcheurs d’Islande, c’est aussi un officier de la Marine Nationale qui a voyagé de par le monde et qui représente à lui seul beaucoup de la fièvre orientaliste qui a touché la France au XIXème siècle. Grand amoureux de la Turquie, il a pourtant poussé ses voyages bien plus loin, et notamment au Japon. Comme à son habitude, il a ramené de cette affectation lointaine un récit de voyage, poétiquement intitulé Madame Chrysanthème, que l’on dit à l’origine de l’intrigue du célèbre et triste opéra Madame Butterfly.
Attirée par ces prémisses, je me suis plongée dans une lecture dont j’attendais tristesse et poésie, et ce livre s’est révélé bien loin de mes attentes. D’abord, ce n’est pas un roman, et il n’y est question ni de romantisme ni d’amour tragique comme chez Puccini. Et surtout, Pierre Loti décrit une coutume que je ne connaissais pas, celle des marins de passage épousant pour le temps de leur longue escale une jeune japonaise, et à laquelle il se conforme avec les meilleures grâces du monde puisqu’il a déjà en poche avant de débarquer le nom d’un intermédiaire qui lui trouvera une femme à sa convenance en moins de deux jours.
C’est une étrange relation qui commence alors, entre ces deux personnes qui ne parlent pas la même langue mais vivent sous le même toit. C’est aussi la découverte d’un pays dont ni l’esthétisme ni le maniérisme ne charment Pierre Loti qui, mi-agacé mi-condescendant, décrit les Japonais comme de grands enfants aux gestes étriqués.
Il est difficile de porter un jugement sur un livre et un auteur-voyageur quand il décrit une escale et une culture qu’il n’a pas appréciée. Toutes les cultures ne peuvent pas plaire à tout le monde, mais peut-être n’est-il pas besoin dans ce cas d’écrire le journal de bord de ces petits désappointements. Pierre Loti est finalement ici un assez bon représentant de ce qu’est l’orientalisme et l’attrait de l’exotisme. Lorsqu’il voit les choses de loin ou les Japonaises de dos, il trouve tout ravissant, mais dès qu’il s’approche, la trivialité prend le dessus et il ne voit plus que les défauts, comme certains touristes aujourd’hui, qui aiment un continent ou un autre, mais n’en supportent pas la chaleur ou la poussière.
La plume de Pierre Loti est cependant agréable, et je pense que je lirai à nouveau cet écrivain, en prenant garde de choisir de voyager avec lui vers une destination qu’il a aimée, afin de, cette fois, partager son enthousiasme.

19raton-liseur
Avr 16, 2013, 9:37 am

4. En vol - Alan Tennant
Mais ce qu’elle avait en elle était plus qu’une simple route. Mi-acquis, mi-inné, l’itinéraire qui suivait cette jeune pèlerine n’était que le moindre des mystères de sa migration ; l’essentiel de l’énigme résidait dans la force qui, en ce moment même, la poussait à avancer, jour après jour. (p. 30, Chapitre 3, “De son lointain royaume”, Première partie, “Padre Island”).
En vol est l’histoire vrai de deux hommes, un ornithologue amateur éclairé et un vieux féru d’aviation, qui s’élancent à la suite d’oiseaux en migration. Pas n’importe quels oiseaux, pas ceux que l’on associe spontanément aux migrations, non, des faucons pèlerins, de la sous-espèce tundrius. Des machines à tuer, petites et compactes, au vol précis et aux serres aussi acérées que leur regard.
Alan Tennant nous décrit là une aventure bien singulière, et pourtant je n’ai pas réussi à monter à bord de cet avion. Il me semble que le récit manque trop d’unité, d’abord parce qu’il est en réalité composé de trois moments distincts (une migration du Texas au Canada, puis une randonnée solitaire au Canada quelques temps plus tard, et enfin une autre migration du Texas au Belize) qui coupent la lecture, et ensuite parce qu’il me semble que le livre manque d’un point de vue. Les récits de voyage ne sont pas, me semble-t-il, une litanie de souvenirs et d’anecdotes, l’écrivain doit leur donner une cohérence et doit avoir un propos, ou tout du moins un fil directeur qui ne soit pas seulement l’écoulement des jours. Alan Tennant, pour sa part, oscille entre les descriptions de paysage et les considérations ornithologiques (au demeurant souvent intéressantes même si parfois peu rigoureuses d’un point de vu scientifique me semble-t-il) et les considérations sur sa vie et ses choix. Passant sans cesse de l’un à l’autre sans lien et avec d’incessantes redites, cela donne un caractère décousu au texte. En l’absence de dates ou d’autres repères temporels, je n’ai pas même d’idée de combien de temps j’ai suivi cet avion dans ses pérégrinations, mais j’ai fini par avoir hâte de finir ce livre pour passer à autre chose.
Je dois avouer aussi que je n’ai finalement pas réussi à comprendre cette frénésie aéronautique. Pour un ornithologue qui peut passer des jours à observer un nid, qui est prêt à sacrifier sa relation amoureuse pour courir après les oiseaux, quelle est la motivation à suivre un point sur un écran de radar, puisque jamais il ne verra plus ces oiseaux après les avoir bagués et équipés d’un émetteur. C’est ce que dit Alan Tennant à un moment : « Bientôt, le minuscule point noir frétillant que Vose et moi n’avions eu que rarement l’occasion d’apercevoir demeurerait tout ce que nous connaîtrions jamais d’elle. Et pourtant, Amelia n’avait pas été qu’une abstraction. Nous avions volé là où elle avait volé, avions vu la terre qu’elle avait scrutée de ses yeux. Nous avions éprouvé les mêmes vents qu’elle, nous avions plissé les yeux pour percer les mêmes brumes, affronté les mêmes tempêtes et les mêmes pluies qu’elle avait éprouvées dans chaque nerf, chaque os creux, chaque plume de son corps aux muscles d’acier. / Et c’était parfait comme ça. (…) J’étais heureux que nous n’eussions partagé son existence que de loin. » (p. 195-196, Chapitre 16, “Bon vent”, Deuxième partie, “En vol”). Cela résume finalement assez bien mon incompréhension face à ce livre.
Dommage, car l’idée était bonne, j’aurais même aime que le livre soit accompagné de quelques photos de paysages et d’oiseaux. Les droits ont été achetés en vue d’une adaptation au cinéma, et c’est le genre de livre (rare) pour lequel le film pourrait bien être meilleur que le livre, s’il arrive mieux que l’auteur à donner une cohérence à l’ensemble.

20raton-liseur
Avr 23, 2013, 10:19 am

Flânerie - Une ascension au Mont Ventoux (Extrait de Souvenirs entomologiques, Première série, Chapitre 13) - Jean-Henri Fabre, lu par Alain Degandt
je découvre, sous l'abri d'une large pierre plate, une vieille connaissance entomologique, l'Ammophile hérissée, que j'avais toujours rencontrée isolée sur les berges des chemins de la plaine, tandis qu'ici, presque à la cime du Ventoux, je la trouve au nombre de quelques centaines d'individus groupés en tas sous le même abri.
J'en étais à rechercher les causes de cette populeuse agglomération, lorsque le souffle du midi, qui déjà nous avait inspiré dans la matinée quelques vagues craintes, amène soudainement un convoi de nuages se résolvant en pluie.
Je ne sais pourquoi, avant de commencer cette lecture, j’avais déjà entendu parler de cet épisode, et je pensais qu’il s’agissait d’un livre complet. Il n’en est rien, il s’agit en réalité d’un chapitre des Souvenirs entomologiques de Jean-Henri Fabre, une petite parenthèse pédestre bien agréable qui donne envie de chausser à nouveau ses grosses chaussures.
Dans un style un tantinet désuet mais très facile à aborder, Jean-Henri Fabre, probablement l’un des naturalistes les plus célèbres de la France du XIXème siècle et qui s’est passionné pour ce lieu dont il a donné une des premières descriptions scientifiques, narre ici sa vingt-troisième ascension du Mont Ventoux. Il est peu question de science ici, même si des noms de plantes sont plusieurs fois cités, mais tout simplement du bonheur de marcher au grand air et de prendre le temps d’observer les petits détails, les petits indices.
J’avais beaucoup aimé les cours de dynamique des peuplements végétaux lors de mes études, et j’ai retrouvé dans les mots de Fabre ce plaisir d’allier observation et questionnement sur les petites choses ce qui nous entoure. Pourquoi l’Ammophile hérissée est-elle cette fois en groupe alors que Fabre ne l’a jamais aperçu ainsi avant ? Je n’aurai pas la réponse à cette question, il me faudra pour cela ouvrir les chapitres suivants du livre, mais rien que le fait de se poser la question m’a donné envie moi aussi de fureter dans les ras couverts végétaux. Par contre, j’aurai maintenant un argument pour dire que la botanique, même en dilettante, est une science utile, saviez-vous que les orties pouvaient permettre de retrouver son chemin dans la nuit ?
Et la loupe vissée sur l’œil (même si ce n’est qu’une image) n’empêche pas des plaisirs bien plus charnels, avec notamment ce déjeuner comme je les aime, fait de charcuteries et de fromages produits dans les fermes alentours, et dont les goûts se marient avec le soleil et les altitudes du paysage. En un mot, un souvenir de randonnée comme je le aime, racontée de façon plaisante. Si c’était un appât pour me faire lire les souvenirs de Monsieur Fabre, il est possible que je morde à l’hameçon un de ces jours !

21Louve_de_mer
Avr 23, 2013, 11:13 am

J'ai lu les Souvenirs entomologiques en accès libre sur Internet, j'ai beaucoup aimé.

22raton-liseur
Avr 23, 2013, 12:31 pm

# 21 - Ah, je vois que Fabre a plus de succès littéraire que je ne pouvais imaginer !
J'ai cru voir que ses souvenirs entomologiques s'étalent sur plusieurs tomes. Conseillerais-tu une version abrégée, ou la version complète vaut-elle le coup?

23Louve_de_mer
Modifié : Avr 23, 2013, 2:19 pm

Je ne sais pas si j'ai vraiment tout lu*, c'était ici. Ses récits d'observations sont tellement vivants que je trouverais dommage si, dans une version abrégée, on changeait son style d'écriture.

*Je veux dire que je ne sais pas si ce qu'il y a sur le site reprend tous ses souvenirs, mais j'ai lu tout ce qui s'y trouve.

24raton-liseur
Avr 24, 2013, 10:27 am

Le site Ebooks libres et gratuits (mon principal fournisseur en livres électroniques, je l’avoue) recense dix tomes des Souvenirs entomologiques. Ils semblent faire 200 à 300 pages chacun, mais je ne suis pas encore très sûr de l’équivalence des pages dans un format pdf ou epub avec un format papier. En tout cas, cela promet plusieurs heures de lecture penchée sur les petites bestioles !

25Louve_de_mer
Avr 24, 2013, 11:54 am

Je viens de comparer les deux sites et le tien donne une version beaucoup plus étoffée. Merci pour le lien !

26Cecilturtle
Avr 29, 2013, 10:29 am

#24 merci pour ces sites que je ne connaissais pas!

27raton-liseur
Modifié : Nov 29, 2013, 9:29 am

Flânerie - Un beau matin d’été - Sur les chemins d’Espagne 1935-1936 - Laurie Lee
Il n’y avait vraiment aucune raison de se presser. Je n’allais nulle part… N’avais d’autre but que l’endroit même où je me trouvais, là, tout près de la chaleur épicée de cette terre étrangère que j’avais à quelques centimètres du visage. Jamais encore je ne m’étais senti aussi repu de temps, aussi libéré du besoin de faire ou de bouger. (p. 127, Chapitre 6, “De Ségovie à Madrid”).
La quatrième de couverture était dithyrambique, la couverture était originale et jolie, je me suis laissée tenter par ce livre et cet auteur dont je ne connaissais rien. Dommage que la découverte n’est pas été à la hauteur de ma curiosité.
Ce livre retrace deux années de la vie d’un jeune garçon qui quitte sa famille pour d’abord travailler tant bien que mal à Londres puis ensuite pour arpenter les chemins d’Espagne, vivant de sa musique et de ses rencontres. En ces années 30 de profonde récession économique, une telle équipée était ou bien courageuse ou bien très naïve, et l’auteur, qui revient sur ses aventures trente ans plus tard n’hésite pas à nous faire penser que la seconde hypothèse est la bonne. Mais ce livre démontre que l’aventure était possible, dommage que je n’ai pas très bien vu ce qui avait poussé ce jeune homme sur les routes, ce qu’il cherchait, et surtout, ce qu’il y avait trouvé.
Ce livre finalement court pour les deux ans qu’il retrace est surtout une succession de tableaux, dans lequel la vocation poétique de l’auteur se fait sentir, car les descriptions manquent rarement d’être bien menées et manquent encore moins d’originalité, comme cette vision des escarmouches du début de la guerre civile : « Plus tard, cette après-midi-là, nous entendîmes des échanges de coups de feu au loin, comme si des cosses de petits pois s’étaient mises à éclater dans les collines. » (p. 239, Chapitre 11, “La guerre”). Mais ces descriptions ne prennent pas place dans un récit, dans un propos. Elle se succède au gré des aléas de la route, et doivent se suffire à elles-mêmes, ce qui m’a laissé sur ma faim.
Et pourtant, Laurie Lee a bien dû voir et apprendre plus qu’il ne le dit, car, évacué au début de la guerre d’Espagne, il retournera dans ce pays pour cette fois s’engager, bien loin de l’attitude contemplative du poète sans le sou qu’il prend pendant tout le récit. Et cette seconde aventure en Espagne ne semble pas avoir fait l’objet d’un autre livre, pas même dans ceux de l’auteur non traduits en français.
Dommage donc que cette lecture ne m’ait pas plus accrochée. Un livre plus destiné à ceux qui aiment les descriptions des villes chauffées à blanc de l’Espagne, ou à ceux qui ont tout autant les semelles que la tête ouvertes aux quatre vents.

28raton-liseur
Modifié : Jan 17, 2014, 12:28 pm

5. Quinze mois dans l'Antarctique - L'Expédition de la Belgica (1897-1899) - Adrien de Gerlache de Gomery
Nous n’avons pas assez de regards pour contempler les hautes falaises qui plongent dans la mer, ces baies où dévalent des glaciers, ces aiguilles qui pointent dans le ciel. Tout cela est sauvage, stérile, dénudé ; ce sont pourtant nos richesses, puisque ce sont nos découvertes. (p. 108, Chapitre 6, “Terres nouvelles”).

Les beaux jours sont rares, mais de quelle magie ils parent la blanche banquise ! La plaine, comme poudrée de diamants, étincelle sous le clair soleil ; les icebergs et les hummocks dressent leurs arêtes d’argent et projettent derrière eux des ombres diaphanes, d’un bleu si pur qu’elles semblent un lambeau détaché du ciel. Les chenaux décrivent des méandres de lapis-lazuli, et, sur leurs bords, la jeune glace prend des teintes d’aigue-marine. Vers le soir, insensiblement, les ombres changent, tournent au rose tendre, au mauve pâle, et, derrière chaque iceberg, il semble qu’une fée, en passant, ait laissé accroché son voile de gaze. Lentement, l’horizon se colore en rose, puis en jaune orange, et, lorsque le soleil a disparu, longtemps encore une lueur crépusculaire persiste, s’estompant délicieusement sur le fond bleu sombre du ciel où scintillent, innombrables, les étoiles.
Plus souvent, hélas ! la brume noie tout ce qui nous entoure dans de blancs floconnement ; les nuages bas se confondent avec les dos arrondis des hummocks ; les ombres ont disparu avec les contours des choses, et c’est à tâtons qu’il faut marcher dans ces blancheurs opaques.
(p. 158-159, Chapitre 9, “Le premier hivernage dans la banquise australe”).
Au risque de me faire quelques inimitiés parmi les lecteurs belges, il me faut bien avouer que je ne savais pas que ce pays avait eu des explorateurs qui avaient porté haut les couleurs de ce pays jusqu’aux confins de l’Antarctique ! La altièrement nommée Belgica fut commandée par Gerlache de Gomery père et son fils récidivera, quelques soixante ans plus tard à bord du Polarhav et du Polarsirkel.
C’est donc avec curiosité que j’ai découvert ce livre, qui est presque plus un journal de bord remis en bon français qu’un récit de voyage, tant il est rare de voir poindre des sentiments ou des impressions derrière le compte-rendu factuel, presque militaire, de l’expédition. Il faut essayer de dépasser l’impression que le plus important dans cette expédition est de hisser les couleurs de son pays au-dessus de ces terres inexplorées aux jours de la fête nationale ou d’entonner la Brabançonne le soir de Noël, et s’attacher aux quelques descriptions des paysages ou des péripéties de l’expédition pour prendre un peu de plaisir à cette lecture.
Les apports scientifiques de cette expédition prennent principalement la forme de relevés cartographiques, de collectes systématiques, que ce soit de roches, de spécimens de la faune et de la flore, ou de relevés météorologiques ou de température des eaux. Première expédition à but uniquement scientifique dans l’Antarctique, elle rapportera des séries longues qui donneront ne nombreuses informations sur le climat et l’environnement de ces contrées jusqu’alors connues de façon toujours épisodique, et elle réalisera surtout le premier hivernage dans ces parages, ouvrant ainsi la voie aux expéditions suivantes, qui feront des Amundsen (d’ailleurs second lieutenant dans cette expédition) et autres Shackleton des héros bien plus connus et révérés, mais qui n’auraient peut-être pas autant fait si la Belgica ne leur avait pas ouvert la voie.
La valeur de ce livre est donc plus le témoignage qu’il donne d’une petite expédition sans beaucoup de moyens et avec beaucoup de fierté, plutôt que pour les qualités intrinsèques du récit, mais cela vaut le détour pour les férus d’expédition polaire ou de fierté nationale belge.

29Louve_de_mer
Jan 13, 2014, 3:49 pm

(Changement de pseudo : j'étais Cathcartes)
> 28 : Eh oui, c'est grâce à eux que nous avons un petit bout de l'Antarctique et une station polaire là-bas...

30raton-liseur
Jan 13, 2014, 5:00 pm

# 29 - Un bout de l'Antarctique, j'espère que non puisqu'il n'y a pas de possession officielle de ce continent me semble-t-il. Par contre, une station polaire, oui, due au fils du monsieur cité ici. Et quelques noms très "plat pays" (je m'excuse pour le cliché...) tout au bout de la planète aussi...

Le changement de pseudo m'a un peu déroutée, je dois l'avouer, mais je vais m'y retrouver... :)

31Louve_de_mer
Modifié : Jan 14, 2014, 1:40 am

Tu as raison, ce n'est pas une possession au sens de "colonie", mais c'est le droit d'en occuper un morceau pour des recherches scientifiques.

Pour le pseudo je pense que je vais le signaler pendant quelque temps au début de mes messages. Cathcartes ne me plaisait vraiment plus depuis que j'avais lu Le dahlia noir et Louve_de_mer me correspond beaucoup mieux.

32raton-liseur
Jan 21, 2015, 10:36 am

Cela fait bien longtemps que je n’ai pas écrit dans cette liste de lecture. Ayant du mal à trouver des livres pour certains des lieux qui me restent à visiter, j’avais un peu (beaucoup) réduit mon rythme de lecture de récits de voyage, mais sans perdre l’idée de mener mon tour du monde à terme.
Reprenant ma lecture cet été (oui, je suis plus qu’en retard pour la mise en ligne de ma note de lecture !), j’espérais pouvoir visiter l’Arctique en compagnie de Paul-Emile Victor. Ce fut une très bonne lecture, comme le montre le commentaire que j’en ferai ci-dessous, mais il lui manque un petit quelque chose pour que ce soit effectivement un récit de voyage. Paul-Emile Victor reste sédentaire pendant les quatorze mois qu’il passe avec cette famille (et dont seuls les premiers sont racontés ici), et je ne peux donc inclure cette lecture que comme une flânerie. Il me faut trouver une autre idée pour explorer l’Océan Arctique…

Je me suis aperçue par ailleurs que Chinouk relance son défi de lecture, avec les mêmes conditions, pour l’année 2015. Il me vient donc l’idée de m’y inscrire, utilisant cette opportunité pour lire les 5 livres qui manquent à ma liste pour faire le tour du monde. Je conserve la même liste de lecture, le même compteur, et j’espère qu’en mêlant les deux éditions de ce défi, j’arriverai au bout de ma randonnée !

33raton-liseur
Modifié : Fév 18, 2015, 10:15 pm

Flânerie - Lettres du Japon (extraits) - Rudyard Kipling
C’est la première fois que je vois un livre de Rudyard Kipling qui ne se passe pas en Inde, et si cela montre plus la mince couche de confiture qu’est ma culture, c’est tout de même un livre peu connu que j’ai découvert un peu par hasard au détour d’une émission de France Culture.
Ces lettres sont les articles que Rudyard Kipling écrit pendant son escale lors de son voyage depuis l’Inde qu’il quitte (définitivement je crois) aux Etats-Unis, où il va prendre ses nouvelles fonctions à la tête d’un journal. Il est de notoriété publique que Rudyard Kipling est l’écrivain du colonialisme, et à l’époque de son voyage, le Japon est à un moment crucial de son histoire, s’ouvrant aux étrangers et revisitant ses traditions. Rudyard Kipling est un touriste, un de ces rares voyageurs qui à l’époque voyagent pour leur plaisir, et il découvre le pays au fil de l’eau et des escales avec un regard de novice, ne pouvant s’empêcher de comparer ce qu’il voit et ce qu’il est, vrai touriste s’émerveillant du rire des enfants et des couleurs des kimonos, s’exaspérant de l’obséquiosité des commerçants ou de la saleté des rues. Heureusement, l’accompagne le Photographe, sorte de guide qui donne un vernis culturel à la visite.
Il est donc amusant pour le lecteur du XXIème siècle de suivre le grand écrivain qui, sans le savoir, ouvre les voies du tourisme de façon pas si différente d’aujourd’hui, la quantité en moins, et de voir que les choses n’ont peut-être pas tant changé dans l’approche des cultures qui nous sont étrangères.
Ces lettres sont des articles publiés au fil du voyage de Kipling. Rassemblées en un seul volume, elles peuvent être un peu fastidieuses et il ne faut donc pas hésiter à prendre son temps pour les lire, par petits bouts, comme des petits bonbons acidulés.

34raton-liseur
Modifié : Fév 18, 2015, 10:16 pm

Flânerie - Boréal - Paul-Emile Victor
Kristian me dit :
- Combien de papiers rempliras-tu pendant notre long hiver, si tu veux noter tout ce que nous te raconterons ? Nous te raconterons beaucoup. Mais il faudra que tu nous racontes aussi ton pays, et les autres pays, et les hommes noirs, et tous les autres, et nous écrirons aussi tout ce que tu nous diras.

(p. 109, Chapitre 2, “En ce réduit, que de félicité”).

Boréal est le premier livre que fait paraître Paul-Emile Victor, et la première partie du récit (la seconde est Banquise, publiée l’année suivante) de son expédition de 1937 pendant laquelle il séjourne pendant plus d’un an seul au sein d’une famille Inuit, vivant au plus près la vie inuit d’alors.
Un livre intéressant, où il se passe peu de choses, sinon attendre que les glaces prennent, que les animaux saisonniers arrivent, tenter sans relâche d’éviter la condensation… Paul-Emile Victor décrit son quotidien, ses conversations, sans effet de manche, et cela donne un livre un peu pointilliste, qui forme lorsque l’on s’en éloigne et que l’on regarde l’ensemble de ces petits moments, de ces petites anecdotes, un tableau complet de la vie de la famille qui l’accueille. Tous les aspects sont évoqués, la vie et la mort et les traditions qui accompagnent ces passages, l’alimentation, les contes et les croyances, les techniques de chasse, la propriété et le don, l’amour, les chiens.
Un document qui n’a de valeur que pour le témoignage qu’il est. Pas de généralisation, pas de théorie anthropologique, seulement un homme parmi les hommes, une expérience comme même Paul-Emile Victor en vivra peu, celle de vivre ainsi au long cours dans une société humaine qu’il apprécie mais qui lui est étrangère, trouver la bonne distance entre partager tout et rester soi (pas facile de se laver si peu par exemple…).
Un livre très intéressant, tant pour le témoignage d’une expérience et d’une époque révolue, mais aussi pour ce qu’il dit de la relation à soi et à l’autre. Un livre que l’on peut lire comme le récit d’une aventure ou qui peut susciter des questions et des réflexions que je n’avais pas prévues. Un bon cru pour tout lecteur du genre.

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