Kate Elizabeth Russell
Auteur de My Dark Vanessa
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Mais ce premier roman de l’Américaine Kate Elizabeth Russell fait surtout écho à un autre roman sombre et génial de Nabokov : Lolita.
Vanessa a 15 ans lorsqu’elle quitte le foyer familial pour étudier dans une école réputée du Maine. Elle aime lire et écrire. Elle est solitaire et un peu sombre, plutôt secrète. Elle se remet difficilement de sa rupture avec sa meilleure amie, n’a jamais connu l’amour mais rêve qu’on la regarde et que l’on s’intéresse à elle comme toutes les jeunes filles de son âge. Ce regard et cette attention, elle les trouvera chez son professeur de littérature Jacob Strane, qui a près de trente ans de plus qu’elle. Comme elle, il a l’air sombre, secret et solitaire. L’intérêt qu’il semble porter à ce qu’elle écrit et à elle-même prend peu à peu la force irrésistible d’un aimant. Elle est flattée et les approches de séduction fugitives « en stop & go » de Strane ne font qu’aiguiser sa fascination et éveiller ses sens. Elle lit, sans trop savoir quoi penser, l’exemplaire de Lolita que le professeur lui a prêté. De quelques mots et gestes échangés en rencontres quotidiennes dans le bureau de Strane, il finira par l’attirer chez lui pour un rendez-vous clandestin. Il a conscience qu’il va ruiner sa vie, il le lui dit. Il lui demandera d’enfiler un pyjama d’enfant décoré de fraises avant d’aller la « border » au lit. Comment pourrait-elle avoir peur de lui ? Il lui répète qu’il n’a jamais autant aimé auparavant, se montre très doux avec elle, avant de lui infliger la douleur cuisante d’un acte sexuel auquel elle n’était pas préparée.
Vanessa hésite et s’interroge régulièrement sur le sens de ses désirs et de ses actes mais dès qu’elle essaie de se sonder, tout devient flou et comme en dehors d’elle-même. Elle ne voudrait pas non plus passer pour une cruche. Elle a l’impression d’être amoureuse et surtout d’être aimée et admirée. Elle ignore qu’elle se tient au bord du gouffre. Elle sombrera dans sa noirceur et ne trouvera pas d’issue pour s’en échapper, dans l’ignorance qu’elle est de se trouver au fond du trou.
Très vite, les rumeurs s’amplifient autour de cette relation illégale. Les deux sont convoqués par l’administration de l’école, de même que les parents de Vanessa. Elle le blanchira, il la noircira. Elle l’apprendra bien des années plus tard.
Vanessa devra quitter l’école et broyer son chagrin ailleurs. Son existence est fantomatique depuis qu’elle est devenue la chose de cet homme. Pendant de longues années, elle s’enferre dans le silence et le déni, engluée dans les mensonges de Strane et de ceux qu’elle se répète à elle-même. Quand d’autres affaires éclateront au grand jour avec des anciennes élèves portant plainte pour abus et harcèlement sexuel selon le même mode opératoire avec le professeur, elle refusera de se joindre au chorus. Rien à voir avec son histoire, non, puisque la sienne était une histoire d’amour.
La structure du roman, très bien maîtrisée, se compose de chapitres qui vont et viennent entre le présent de Vanessa - âgée de 32 ans, un comportement de zombie victime d’addictions et un travail sous-qualifié dans un hôtel - et son passé d’adolescente puis de très jeune femme.
La très délicate (et presque impossible) question du consentement est intelligemment posée dans le livre et renvoie, sans le savoir, assez magistralement au livre de Vanessa Springora, publié à la même période. L’ambivalence des sentiments est particulièrement bien rendue, jusqu’à former un terrain boueux et marécageux dans lequel le lecteur est inconfortablement amené à s’enfoncer lui aussi. Vanessa est une narratrice aux multiples facettes : elle tient un journal, elle restitue des scènes, des dialogues, s’arrange avec sa conscience, ment à ses parents, à son entourage scolaire, se ment à elle-même et ment par la même occasion au lecteur.
Elle ne s’appartient plus. Elle est un jouet cassé, un être perverti par la perversité d’un adulte. Le début d’une reconstruction ne sera possible que lorsqu’elle admettra qu’elle a bien été violée par un malade qui lui a volé sa jeunesse et son essence.
Malgré le caractère un peu répétitif de certaines scènes ou dialogues, quelques passages un peu moins percutants, ce premier roman demeure un tour de force. Il se lit presque comme un thriller dans sa seconde partie.
Un livre vénéneux et brûlant dont on sort quelque peu ébranlé.… (plus d'informations)